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LE VOLEUR

Nous nous asseyons sur le toit, les pieds sur l’entablement.

— Quelle nuit ! dit tout bas Roger-la-Honte. Regarde donc là-haut. Crois-tu que le ciel est assez beau, ce soir !… La lune, avec ce rideau de nuages mobiles et transparents qui mettent comme un grand voile de deuil sur une face pâle… Et toutes ces étoiles, plus brillantes que des diamants, et qui remplissent l’immensité… Et dire qu’il y a des pays où c’est encore plus beau que ça, la nuit ! Connais-tu Venise, toi ?

— Non. Et toi ?

— Moi non plus, malheureusement. Je voudrais tant voir Venise ! Il paraît que c’est merveilleux… J’ai lu tous les livres qui en parlent et je reste en admiration devant les tableaux qui la peignent. Ah ! voir Venise ! Et après, qu’il arrive n’importe quoi. Je m’en moque… Tiens, la lumière vient de s’éteindre. Attendons encore dix minutes.

— Mais, dis-je, si tu désires tant voir Venise, pourquoi n’as-tu pas fait le voyage ? Ce n’est pas la mer à boire.

— Est-ce qu’on a le temps ? Toujours une chose ou une autre… Les voleurs non plus ne font pas toujours ce qu’ils rêvent… Si tu veux, quand nous aurons fait deux ou trois bons coups, nous irons ensemble. Nous nous promènerons sur les canaux et les lagunes à gondole que veux-tu ? aux sons des instruments à cordes. Il faudrait avoir de quoi vivre largement pendant deux ou trois ans, pour bien faire. J’étudierais la peinture à fond, et peut-être que je deviendrais un grand peintre. J’ai tellement envie d’être un peintre ! Mais il faut que j’aille à Venise d’abord ; c’est là seulement que je saurai si je ne me trompe pas sur ma vocation… Ah ! ces étoiles !

— Oui, c’est bien beau ! Et que sait-on, de ces pléiades de sphères ; de ces astres qui s’échelonnent dans l’espace comme les cordes d’une lyre, depuis Saturne jusqu’à Mercure ; de l’analogie entre les dis-