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LE VOLEUR

— Tu vois si j’ai du malheur, murmure-t-elle avec des larmes dans les yeux ; il n’y a même plus une chaise chez moi… Ah ! c’est horrible…

— Ne la gronde pas, Roger, implore Ida. Elle est un peu étourdie, tu sais ; mais elle m’a juré ses grands dieux qu’elle ne ferait plus des sottises pareilles.

— Non, sanglote Broussaille ; non, je ne le ferai plus jamais. Ne me gronde pas…

Mais Roger n’en a pas la moindre envie. Il rit à gorge déployée.

— Ah ! ah ! C’est vraiment drôle ! Je ne me serais jamais douté de ça, par exemple ! Dis donc, Randal, te rappelles-tu comme je me démanchais le poignet, tout à l’heure, à frapper à la porte ? Ce qu’elle aurait ri si elle avait pu nous voir ! Heureusement que nous ne revenons pas les mains vides, hein ? Allons, Broussaille, viens m’embrasser et ne pleure plus. Demain, nous irons te commander un mobilier…

— Ah ! dit Broussaille dont les larmes se sèchent comme par enchantement, je t’en coûte, de l’argent ! Et tu as tant de mal à le gagner ! Ça ne fait rien, va ; je te rendrai tout en bloc un de ces jours, et tu pourras aller à Venise… Quand je pense qu’avec ce que tu vas dépenser demain pour les meubles tu aurais pu y aller, je suis furieuse contre moi.

— Est-elle gentille ! murmure Ida. On la mangerait…

— C’est bon, dit Roger. Ne parlons plus de ça. J’irai à Venise une autre fois… Passe-moi cette bouteille, là-bas… Mais quant à ton Juif, continue-t-il en faisant sauter le bouchon, je lui raccourcirai le nez et je lui allongerai les oreilles, pas plus tard que la nuit prochaine. Je suis sûr que ses bijoux ne valaient pas trois mille francs. C’est le père Binocar, au moins ? Oui. Eh ! bien, il payera la différence. S’il ose se montrer dans les rues d’ici un mois, il aura du toupet…

— Ah ! s’écrie Ida, fais attention. Ne va pas trop loin ; un mauvais coup est si vite donné ! Et ça coûte