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LE VOLEUR

et je suis monté directement ici ; j’ai même pris la précaution, afin de vous épargner une émotion trop vive, de vous faire un petit signe amical en entr’ouvrant la porte.

— Je ne saurais trop vous remercier de vos attentions, monsieur l’abbé. Asseyez-vous donc, je vous prie ; et apprenez-moi à quel heureux hasard je dois l’honneur de votre visite.

— Le hasard n’est pour rien dans l’affaire, répondit l’abbé qui se mit à secouer la tête, pendant que je me demandais pourquoi il était venu me voir et, surtout, comment il avait pu arriver à découvrir mon adresse. Non, pour rien, absolument. Ma visite était préméditée depuis longtemps et j’attendais une occasion propice…

— Que vous a fourni le mariage ou l’enterrement d’un de vos paroissiens ?

— Je n’ai ni paroissiens ni paroisse. Je suis prêtre libre, vous le savez. C’est peut-être en cette qualité que j’ai pris, cher Monsieur, la liberté de m’intéresser à vous…

— Vraiment ? Je vous sais gré de m’en avertir. Et serait-il indiscret de vous demander de quelle sorte est l’intérêt que vous voulez bien me porter ?

— Il est des plus vastes. Rien ne me fait un plus grand plaisir, par exemple, que de vous voir installé ici aussi confortablement. Vous avez des livres, ces compagnons qui ne trompent pas ; un piano, instrument qui ne mérite pas toujours le ridicule dont on l’abreuve ; et peut-être, même, fumez-vous ?

— Quelquefois. J’ai là d’excellents cigares… Permettez…

— Merci, dit l’abbé en allumant un londrès. Ils sont excellents, en effet… Et vous avez bien, j’imagine, quelque occupation sérieuse ?

— Une occupation sérieuse, comme vous dites… des plus sérieuses ; mais qui me laisse des loisirs, ajoutai-je du ton le plus naturel tandis que l’abbé fixait sur moi ses yeux perçants.