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LE VOLEUR

— Et quant aux billets de banque qu’il retire des secrétaires où ils moisissent, quant à l’argent enfoui qu’il déterre, je me demande comment on peut lui reprocher de remettre ces espèces dans la circulation, pour le bénéfice général.

— On le fait pourtant, dit l’abbé ; et d’ici peu de temps, si vous voulez m’en croire, il n’y aura pas d’homme plus accablé que vous de malédictions par certaines gens que je connais. J’ai été mis au courant de votre habileté à enfreindre le deuxième commandement, et je vous ai préparé une petite expédition…

— Pourquoi ne pas vous la réserver à vous-même ?

— Je ne peux pas. Si c’était possible, croyez bien… Mais il faut opérer dans une ville de province où je suis connu comme le loup blanc ; je serais sûrement reconnu, soit en arrivant, soit en route ; et l’on ne manquerait pas de s’étonner de mon apparition subite et de mon départ intempestif. C’est un coup facile, certain et lucratif.

— En France ?

— Oui. La France a déjà trente milliards à l’étranger ; quelques centaines de mille francs de plus qui passeront la frontière ne feront pas grande différence.

— En effet. Un vol de titres ?

— Pour la plus grande part. Vous ne connaissez donc pas mieux votre pays ? La France n’est ni religieuse, ni athée, ni révolutionnaire, ni militaire, ni même bourgeoise. Elle est en actions.

— Et pour quand ?

— Ah ! ça, je ne sais pas encore. Il faut attendre ; peut-être quinze jours, peut-être un mois, peut-être plus. Dès que je serai fixé, je vous enverrai un télégramme pour vous dire de vous tenir prêt ; et le lendemain, vous recevrez une seconde dépêche qui vous apprendra quel train il faudra prendre et vous indiquera l’endroit où vous me rencontrerez. Puis-je compter sur vous ?

— Oui. Vous ne voulez pas que je vous donne ma parole d’honneur ?