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LE VOLEUR

sophistes peut-être intéressés ; et, comme Lombroso, il faut en laisser la définition à la mûre expérience des gendarmes, ces anges-gardiens de la civilisation. »

En vérité, cette étude, qui est mon début littéraire, a fait beaucoup de bruit. Elle m’a valu de nombreuses lettres, toutes flatteuses. Une seule est blessante pour mon amour-propre d’auteur. Elle est d’une petite dame qui m’apprend qu’elle éprouve généralement des sensations plus agréables que morales sous les tunnels, lorsqu’elle voyage sans son mari et qu’un Monsieur sympathique s’est installé dans son wagon. Quelque hystérique…

Mon article m’a procuré aussi le plaisir d’une visite ; celle de Jules Mouratet, un de mes camarades de collège, que j’avais perdu de vue depuis longtemps déjà, et que je croyais employé au ministère des Finances. Mais il a fait du chemin, depuis ; il me l’apprend lui-même. Il n’est plus employé, mais fonctionnaire — haut fonctionnaire. — Il est à la tête de la Direction des Douzièmes Provisoires, une nouvelle Direction que le gouvernement s’est récemment décidé à créer au ministère des Finances, en raison de l’habitude prise par les Chambres de ne voter les budgets annuels qu’avec un retard de quatre ou cinq mois. Ah ! il a de la chance, Mouratet ! Le voilà, à son âge, Directeur des Douzièmes Provisoires ; et, même, il sera bientôt député, car toute l’administration française, me dit-il à l’oreille, n’est qu’une immense agence électorale, et l’expérience qu’il a acquise dans ses fonctions rend sa présence indispensable au Parlement, lors de la discussion du budget. Lui seul pourra dire avec certitude, chaque année, s’il convient d’en reculer le vote jusqu’à la Trinité, ou simplement jusqu’à Pâques. Heureux gaillard !

Nous dînons ensemble au cabaret, en garçons, bien qu’il soit marié.

— Oui, mon cher, depuis plus de trois ans. Avec une petite femme charmante, jolie, instruite, spirituelle, et dévouée, dévouée ! Un caniche, mon cher !