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LE VOLEUR

Nice et au Mont-Dore. Voilà tout. Mais, maintenant, j’espère bien faire le tour du monde.

— Tu as raison de l’espérer, dit Canonnier ; nous partirons demain matin pour l’Angleterre ; c’est un commencement.

— Vraiment ? Que je suis contente ! La Belgique n’est pas bien intéressante, n’est-ce pas ?

— On ne sait pas ; on n’a pas le temps de s’en apercevoir, en marchant vite.

— Est-ce votre avis, monsieur Randal ?

— Oh ! si tu demandes à Randal… Il va te parler viaducs, rampes et canaux. Ces ingénieurs ! Ils ne songent qu’au nivellement de la Suisse.

— Et ces utopistes politiques ! dis-je ; ils ne rêvent que de chimères. Figurez-vous, Mademoiselle, que votre père avait trouvé récemment la solution de la question d’Alsace-Lorraine. Il proposait qu’on y reconstituât le royaume de Pologne. Les Alsaciens seraient rentrés en France et les Prussiens en Allemagne. Le tout, bien entendu, soumis à l’approbation du czar. Que pensez-vous de cette idée-là ?

— Elle en vaut bien une autre. Mais n’avez-vous pas soutenu aussi, comme écrivain, des thèses un peu paradoxales ? J’ai lu dernièrement, dans la « Revue Pénitentiaire », un article de vous intitulé : « La Kleptomanie devant la machine à coudre » où vous me semblez avoir soutenu des opinions bien hardies.

— Elles peuvent paraître telles en France, Mademoiselle, dis-je effrontément ; mais en Angleterre, je vous assure…

— Soit ; je verrai, puisque je serai à Londres demain.

— Tu sais donc l’anglais ? demande Canonnier.

— Assez bien, père. Je lis couramment les auteurs britanniques ; je crois même que s’ils ne faisaient jamais de citations françaises, je les comprendrais encore plus facilement.

— Ta mère ne m’avait jamais dit, je crois, que l’on t’enseignait les langues vivantes au couvent.