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LE VOLEUR

lez-vous me prendre ? Dites, voulez-vous me prendre ? Me garder avec vous, toute à vous, toujours à vous ? je serais votre maîtresse et votre amie… et une bonne et honnête femme, je vous jure. Je serais à vous de toute mon âme… vous n’êtes pas fait pour être un voleur ; vous avez assez d’argent pour que nous puissions vivre heureux, et peut-être que je serai riche plus tard… Je suis intelligente et belle… Embrassez-moi fort… encore plus fort… et dites-moi que vous voulez bien…

Elle est affolée, nerveuse, surexcitée jusqu’au paroxysme par les émotions de la soirée. Certes, elle est intelligente et belle, et je me sens attiré vers elle, et je crois que je l’aimerais si je ne m’en défendais pas ; mais je ne veux pas profiter de l’état dans lequel elle se trouve et la pousser à sacrifier son existence entière à la surexcitation d’un instant. Et puis, des souvenirs semblent se dresser devant moi, comme elle parle. Sa voix… elle va éveiller dans ma mémoire l’écho lointain d’une autre voix désespérée, que je n’ai point cessé d’entendre, et qui s’est tue pour jamais…

— Je ferai ce que vous voudrez, Hélène ; mais calmez-vous. Nous parlerons de tout cela demain soir, voulez-vous ?

Et j’accélère le trot du cheval, car nous entrons dans Ixelles, et je désire qu’on nous remarque le moins possible.

— Demain, il sera trop tard, répond-elle.

Je garde le silence ; et bientôt nous pénétrons dans la cour du pensionnat dont l’Anglaise a ouvert la grille.

— N’ayez pas d’inquiétude, monsieur Randal, me dit cette veuve de colonel quand je la quitte après avoir souhaité une bonne nuit à Hélène et, après avoir, aussi, mis le cheval à l’écurie — car il valait mieux ne point réveiller le cocher-jardinier de l’établissement — n’ayez pas d’inquiétude, cette dame ne manquera de rien ; et chaque fois que je