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LE VOLEUR

ger-la-Honte qui m’apprend qu’il ne sera de retour que vers le milieu de la semaine… Mais quand viendra-t-il donc, ce médecin ?

Charlotte m’appelle auprès de la petite malade qui vient de sortir d’un de ces lourds sommeils si inquiétants pour sa mère. Comme elle est pâle ! Ses yeux me semblent avoir perdu l’éclat qu’ils avaient hier soir ; ils sont ternis, éteints sous les larmes, lassés de douleur, s’ouvrant largement, pourtant, ainsi que pour une supplication pleine d’angoisses. La jolie petite bouche laisse passer des plaintes monotones et navrantes.

— Maman, bobo… Maman… bobo…

Charlotte la prend dans ses bras, essaye de la consoler, la caresse.

— Le plus terrible, me dit-elle, c’est qu’elle refuse toute nourriture, je ne peux presque rien lui faire prendre. Et si tu l’avais vue il y a quatre ou cinq jours seulement ! Elle était si gaie, si amusante !…

Mais l’enfant dégage ses mains d’un geste désespéré, appuie ses doigts crispés à son front et ses membres se convulsent et sa face blêmit affreusement ; elle gémit d’une façon lamentable…

— Monsieur, vient dire Annie, le docteur est en bas.

— Qu’il monte, vite !

Il est monté, a assisté aux convulsions qui ont saisi l’enfant et l’a examinée avec soin dès que la prostration a succédé à la crise.

Il est dans le salon, maintenant, seul avec moi, rédigeant son ordonnance.

— Il faut couper les cheveux, appliquer un vésicatoire sur la nuque, poser de la glace sur le front…

— Est-ce la méningite ?

— Oui, certainement, c’est la méningite.

— Y a-t-il de l’espoir ?

— Très peu, répond le docteur en hochant la tête. Je ne veux pas vous donner de fausses espérances.