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LE VOLEUR

mon pauvre ami, tu as l’air toqué, ajoute-t-elle en me regardant. Si tu pouvais voir quelle figure tu fais ! Ça tient peut-être de famille ? Il faudra que je te soigne. Voyons, fais risette… Puisque je t’ai dit de ne pas te tourmenter… Et puis, ne restons pas à nous promener devant la gare ; on nous prendrait pour deux conspirateurs. J’ai ma voiture là. Viens. Je t’enlève.

Je me laisse faire et nous roulons vers la ville.

— Écoute, dit Margot en frappant des mains. Je devine la vérité. Ton oncle est parti parce que tu l’avais averti de ta visite.

— Ah ! non, par exemple, dis-je en riant ; je ne l’avais pas prévenu.

— C’est qu’il te déteste tant ! reprend Margot. Il faut dire, aussi, que tu lui as joué de vilains tours. Séduire sa fille…

— Comment sais-tu ?… Il t’a dit ?…

— Oh ! rien du tout ; mais ce n’était pas nécessaire. J’ai de bons yeux.

— Je ne te comprends pas.

— C’est vrai, tu ne t’es aperçu de rien, ce soir-là ; mais je pensais que Mlle  Charlotte t’avait mis au courant… En tous cas, tu te souviens d’être venu avec elle à Monte-Carlo, vers la fin de l’hiver dernier ?

— Oui. Eh ! bien ?

— Eh ! bien, j’y étais aussi, moi, avec ton oncle ; et si tu ne l’as pas vu, toi, je t’assure que Mlle  Charlotte a bien reconnu son père. Elle est devenue pâle comme une morte et n’a pas mis longtemps à t’emmener… Tu ne t’étais jamais douté de la rencontre ? C’est curieux. Moi, je soupçonnais bien quelque chose entre vous car quelque temps auparavant, à Paris, j’avais rencontré…

Je n’écoute plus. Je me rappelle cet épisode de notre existence, à Charlotte et à moi, cet incident auquel j’attachai si peu d’importance alors, et qui a eu une telle influence sur notre vie à tous deux. Je me rappelle mon étonnement lorsque je la trouvai, en me