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LE VOLEUR

— Oui, Madame, toujours.

— Allons, tant mieux ! répondent-ils ensemble. Encore un verre de ce vin-là !

Voilà de bons parents ! Ils veulent qu’on mange, qu’on boive, qu’on dorme, qu’on s’amuse et qu’on suive librement sa vocation. Si tous les parents leur ressemblaient, la famille ne serait pas ce qu’elle est, pour sûr.

— Voyez-vous, Monsieur, me dit Mme  Voisin comme un garçon vient chercher son mari, un instant après qu’on a servi le café, voyez-vous, nous sommes plus heureux que nous ne pourrions dire, depuis… depuis que nous nous sommes résolus à ne plus nous laisser guider par des préceptes qui nous condamnaient à la misère perpétuelle. Tout nous a réussi. Nous ne nous permettons pas, bien entendu, de rire au nez des personnes qui pensent autrement que nous, mais nous continuons notre petit bonhomme de chemin sans attacher aucune importance à ce qui se passe autour de nous. Je ne veux point dire que nous sommes des égoïstes ; non ; mais nous ne prenons pas parti. L’un nous dit blanc ; c’est blanc. L’autre nous dit noir ; c’est noir. Que voulez-vous que ça nous fasse ? Et, tenez, sans aller si loin : Broussaille me raconte comment elle a plumé un pigeon ; je ris avec elle. Eulalie vient me parler des peines et des récompenses d’une vie à venir ; je m’émeus avec elle. Roger m’apprend ce que lui a rapporté sa dernière expédition ; je me réjouis avec lui… Ces chers enfants ! Ils nous donnent tant de satisfactions ! Même Eulalie ; elle prie pour nous. Ça peut servir ; on ne sait jamais… Quant à Broussaille et à Roger, je ne vous cache pas que j’étais dans les transes, les premiers temps. Je lisais le journal, tous les matins, avec une anxiété ! Mais, peu à peu, je m’y suis faite. Chaque métier a ses périls ; et la seule chose importante est de choisir celui qui vous convient le mieux. L’esprit d’aventure existe encore, quoi qu’on en dise ; et tous les hommes ne peuvent