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et les vêtements noirs. » Comme Zeus, et pour la même cause, c’est un amasseur de nuées : il retourne l’outre du nuage et la lâche sur les deux mondes, il en inonde la terre et le ciel, il revêt les montagnes du vêtement des eaux[1], et ses yeux rouges sillonnent sans trêve la demeure humide de leurs clignotements d’éclair[2]. Comme Zeus père d’Athéné, il est le père d’Atharvan, « l’Igné », de Bhrigu « le Fulgurant », autant de noms d’Agni, de l’éclair ; Agni lui-même naît « de son ventre, dans les eaux », comme une autre Athéné. Enfin, comme Zeus, comme Jupiter, il porte dans son nom même l’expression de ce qu’il est, et le sanscrit Varuna est le représentant phonétique exact du grec Ούρανός « ciel. »


Enfin le dieu souverain de la Perse, malgré le profond caractère d’abstraction qu’il a conquis et qu’il reflète dans son nom, Ahura Mazda « le Seigneur omniscient », se laisse lui-même reconnaître pour un Dieu du ciel. Les formules anciennes des litanies savent encore qu’il est lumineux et corporel : elles invoquent le créateur Ahura Mazda, brillant, éclatant, très grand, très beau, très beau de corps, blanc, lumineux, au loin visible ; elles invoquent le corps entier d’Ahura Mazda, « le corps d’Ahura qui est le plus beau des corps » ; elles savent qu’il a le soleil pour ciel, et le ciel est le vêtement brodé d’étoiles qu’il revêt. Enfin le plus abstrait des dieux Aryens a conservé un trait qui l’enfonce plus profondément que tous les autres dans la matière d’où ils sont tous

  1. RV. V, 85, 3, 4.
  2. RV. II, 28, 8. Cf. les nictantia fulgura flammæ de Lucrèce, VI, 181. — Le Varuna brahmanique y gagne d’avoir les yeux rouges.