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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

la légumine, à ce que le contenu des cellules est protégé par des parois formées de cellulose et qu’une très-faible quantité des matières albumineuses peut seule se dissoudre jusqu’à ce que ces parois soient rompues par l’action de l’eau bouillante. La forte odeur que répandent les feuilles de chou bouillies indique que l’ébullition produit chez elles quelques changements chimiques qui les rend beaucoup plus nutritives et beaucoup plus digestibles pour l’homme. Or, il est intéressant de noter que l’eau bouillante extrait des feuilles du chou des matières qui excitent le Drosera à un degré extraordinaire.

Les graminées contiennent beaucoup moins de matières azotées que les pois ou les choux. J’ai haché les tiges et les feuilles de trois espèces communes de graminées, et je les ai fait bouillir pendant quelque temps dans de l’eau distillée. Je plaçai des gouttes de la décoction, que j’avais laissé reposer pendant vingt-quatre heures, sur 6 feuilles ; cette décoction agit de façon assez singulière ; j’en donnerai quelques exemples dans le chapitre VII, lorsque je traiterai des effets des sels d’ammoniaque. Au bout de deux heures et demie, quatre feuilles s’étaient recourbées, mais leurs tentacules extérieurs n’avaient pas bougé ; il en fut de même pour les 6 feuilles au bout de vingt-quatre heures. Deux jours après, les feuilles, aussi bien que les quelques tentacules sous-marginaux qui s’étaient infléchis, se redressèrent ; d’ailleurs, la plus grande quantité du liquide qui se trouvait sur le disque était alors absorbée. Il résulte de ces expériences que cette décoction agit puissamment sur les glandes du disque et force la feuille elle-même à se recourber très-rapidement, mais l’impulsion, contrairement à ce qui arrive dans les cas ordinaires, ne se communique qu’à un degré très-faible aux tentacules extérieurs.

Je puis ajouter ici que je fis dissoudre dans 437 parties d’eau une partie d’extrait de belladone achetée chez un pharmacien et que j’en plaçai une goutte sur 6 feuilles. Le lendemain, ces 6 feuilles s’étaient un peu infléchies et, quarante-six heures après, elles s’étaient complètement redressées. Ce n’est pas l’atropine que contient l’extrait de belladone qui produit cet effet, car je m’assurai par des expériences ultérieures que cette substance est absolument impuissante. J’achetai aussi, chez trois pharmaciens différents, de l’extrait de jusquiame et je préparai des infusions dans la même proportion que celle que je viens d’indiquer, une seule de ces infusions agit sur quelques feuilles. Bien que les pharmaciens prétendent que toute l’albumine est précipitée lors de la préparation de ces médicaments, je ne doute pas qu’il n’en reste quelques traces qui sont suffisantes pour exciter les feuilles les plus actives du Drosera.