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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

en coupant ou en piquant le limbe. Ces feuilles capturent fréquemment des insectes, et les glandes des tentacules infléchis déversent alors d’abondantes sécrétions acides. J’ai placé des morceaux de viande rôtie sur quelques glandes et les tentacules se mirent en mouvement au bout d’une minute ou d’une minute trente secondes ; au bout d’une heure dix minutes, les glandes avaient atteint le centre. J’ai placé sur cinq glandes, à l’aide d’un instrument qui avait été plongé dans l’eau bouillante, deux parcelles de liège bouilli, une de fil bouilli et deux petits morceaux de charbon tirés directement du feu ; j’avais pris ces précautions superflues à cause des remarques faites par M. Ziegler. Une des parcelles de charbon provoqua une légère inflexion au bout de huit heures quarante-cinq minutes, et l’autre au bout de vingt-trois heures ; le morceau de fil et les deux morceaux de liège provoquèrent aussi un mouvement au bout du même laps de temps. Je touchai trois glandes six fois de suite avec une aiguille ; un des tentacules s’infléchit considérablement au bout de dix-sept minutes, et se redressa au bout de vingt-quatre heures ; les deux autres ne furent pas affectés. Le liquide homogène, contenu dans les cellules des tentacules s’agrège après que ces derniers se sont infléchis ; il s’agrège surtout si on met les glandes en contact avec une solution de carbonate d’ammoniaque ; enfin, j’ai observé les mouvements ordinaires dans les masses de protoplasma. Dans un cas, l’agrégation se produisit une heure dix minutes après qu’un tentacule avait transporté un morceau de viande au centre de la feuille. Il résulte clairement de ces faits que les tentacules du Drosera anglica se comportent de la même façon que celles du Drosera rotundifolia.

Si l’on place un insecte sur les glandes centrales, ou que l’insecte s’y pose naturellement, le sommet de la feuille se recourbe vers le centre. Par exemple, j’ai placé des mouches mortes sur trois feuilles près de la base du limbe ; au bout de vingt-quatre heures, le sommet de ces feuilles, qui jusque-là était droit, s’était recourbé complètement, de façon à embrasser et à cacher les mouches ; le sommet de la feuille avait donc décrit un angle de 180°. Au bout de trois jours, le sommet de la feuille et les tentacules commencèrent à se redresser. Toutefois, autant que j’ai pu m’en assurer, et j’ai fait de nombreux essais à ce sujet, les côtés des feuilles ne s’infléchissent jamais, ce qui établit une différence de fonction entre cette espèce et le Drosera rotundifolia.

Drosera intermedia (Hayne). — Cette espèce est tout aussi commune que le Drosera rotundifolia dans quelques parties de l’An-