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DIONÆA MUSCIPULA.

au bout de trente-deux heures, mais je dois ajouter qu’un seul des filaments avait été touché légèrement avec un cheveu, juste de façon à amener la fermeture. Sur ces dix feuilles, quelques-unes seulement se redressèrent complètement en moins de deux jours, deux ou trois demandèrent un temps un peu plus long. Toutefois, avant d’être complètement redressées, elles sont prêtes à se fermer instantanément si l’on vient à toucher un des filaments sensitifs. Je ne saurais dire combien de fois de suite une feuille peut se fermer et se rouvrir, si l’on ne place à l’intérieur aucune substance animale ; cependant, j’ai fait fermer et rouvrir quatre fois de suite une feuille dans l’intervalle de six jours ; la dernière fois qu’elle se rouvrit elle captura une mouche et resta fermée pendant plusieurs jours. Cette faculté de se rouvrir rapidement après que les filaments ont été accidentellement touchés par des brins d’herbe ou par des objets chassés par le vent sur la feuille, ce qui arrive quelquefois quand elle pousse à l’état sauvage[1], doit avoir une certaine importance pour la plante, car, aussi longtemps qu’une feuille reste fermée, il lui est impossible de capturer des insectes.

Quand les filaments sont irrités et qu’on fait fermer la feuille sur un insecte, sur un morceau de viande, sur de l’albumine, de la gélatine, de la caséine et probablement sur toute autre substance contenant des matières azotées solubles, les lobes, au lieu de rester concaves, ce qui laisse une place libre à l’intérieur, se pressent lentement l’un contre l’autre dans toute leur largeur. À mesure que cette pression se produit, les bords s’écartent un peu, de sorte que les poils qui se croisaient tout d’abord se projettent ensuite en deux rangées parallèles. Les lobes se pressent l’un contre l’autre avec tant de force que j’ai vu un petit

  1. Docteur Curtis, dans Boston Journal of nat. hist., vol. I, 1837, p. 123.