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CONCLUSIONS FINALES.

glandes centrales du Drosera absorbent des substances azotées, elles transmettent une impulsion motrice aux tentacules extérieurs beaucoup plus rapidement que lorsqu’on les irrite mécaniquement ; chez la Dionée, au contraire, l’absorption des substances azotées détermine les lobes à se presser l’un contre l’autre avec une extrême lenteur, tandis qu’un attouchement excite un mouvement rapide. On peut observer des exemples à peu près analogues, comme je l’ai démontré dans un autre ouvrage, sur les vrilles de diverses plantes ; les unes sont plus excitées quand elles se trouvent en contact avec des fibres très-petites, les autres quand elles se trouvent en contact avec des poils durs, d’autres enfin avec des surfaces plates ou crevassées[1]. Les organes sensitifs du Drosera et de la Dionée ont aussi contracté des habitudes spéciales de façon à ne pas se laisser affecter inutilement par le poids ou par le choc des gouttes de pluie ou des courants d’air. On peut expliquer ce phénomène par l’hypothèse que ces plantes et leurs ancêtres ont fini par s’accoutumer si bien à l’action répétée de la pluie et du vent, que ces causes ne provoquent chez elles aucun changement moléculaire ; tandis qu’au contraire la sélection naturelle les a rendues de plus en plus sensibles au contact et à la pression plus rare des corps solides. Bien que l’absorption de divers liquides par les glandes du Drosera provoque un mouvement, il existe une grande différence dans l’action des liquides combinés, par exemple la combinaison de certains acides végétaux avec le citrate ou le phosphate d’ammoniaque. La nature spéciale et la perfection de la sensibilité chez ces deux plantes est d’autant plus étonnante que personne ne suppose qu’elles possèdent des nerfs ; j’ai expérimenté sur le Drosera avec plusieurs substances

  1. Charles Darwin, les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes. Traduction française par le Dr R. Gordon, p. 221.