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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

qui ne sont pas attaquées par la sécrétion, agissent sur la feuille beaucoup moins rapidement et beaucoup moins efficacement que les substances organiques contenant des matières solubles que la plante peut absorber. En outre, j’ai observé fort peu d’exceptions à la règle suivante : les tentacules restent infléchis sur les corps organiques de la nature de ceux que nous venons d’indiquer beaucoup plus longtemps que sur ceux sur lesquels la sécrétion n’a aucun effet ou que sur les objets inorganiques ; et encore ces exceptions semblent s’expliquer naturellement par le fait que la feuille avait été récemment en action[1].

  1. J’ai fait de nombreuses expériences, en m’entourant de toutes les précautions possibles, pour vérifier les opinions extraordinaires exprimées par M. Ziegler (Comptes rendus, mai 1872, p. 1227), c’est-à-dire que les substances albumineuses acquièrent la propriété de faire contracter les tentacules du Drosera si on tient ces substances un instant entre les doigts, mais que, si on ne les touche pas elles perdent cette faculté. Le résultat de mes expériences n’a pas confirmé cette opinion. J’ai expérimenté en me servant d’éclats de charbon pris tout rouges dans le foyer, de morceaux de verre, de fils de coton, de papier buvard, de liège, que je plongeais dans l’eau bouillante avant de m’en servir ; je plaçais alors ces substances, en ayant soin de plonger aussi dans l’eau bouillante tous les instruments avec lesquels je les touchais, sur les glandes de différentes feuilles ; leur action est exactement la même que celle d’autres parcelles semblables qui avaient été tenues à dessein dans les doigts pendant quelque temps. Des morceaux d’œuf cuit, coupés avec un couteau qui avait été lavé à l’eau bouillante, agirent exactement comme toutes les autres substances animales. Je soufflai sur quelques feuilles pendant plus d’une minute, et je répétai cette action deux ou trois fois en plaçant ma bouche tout près de la feuille ; mais cela ne produisit aucun effet. Je puis ajouter ici, pour prouver que l’odeur des substances azotées n’a aucune action sur les feuilles, que je plaçai aussi près que possible de plusieurs feuilles des morceaux de viande crue, sans permettre toutefois qu’elles les touchassent, et qu’aucun effet ne fut produit. D’autre part, comme nous le verrons bientôt, les vapeurs de certaines substances volatiles et de certains liquides, tels que le carbonate d’ammoniaque, le chloroforme, certaines huiles essentielles, etc., provoquent l’inflexion. M. Ziegler constate quelques autres faits aussi extraordinaires, relativement au pouvoir de certaines substances animales placées immédiatement auprès, mais non pas en contact absolu avec le sulfate de quinine. Je décrirai, dans un prochain chapitre, l’action des sels de quinine. Depuis la publication du mémoire auquel je viens de faire allusion, M. Ziegler a publié sur le même sujet un volume intitulé : Atonicité et Zoïcité, 1874.