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PRÉFACE.

sante de la matière, pour l’immobiliser et le rendre immuable ?

Le lecteur sera frappé sans doute de la multiplicité des observations auxquelles M. Darwin a dû se livrer, et de la quantité de matériaux qu’il a dû réunir. Je ne veux citer ici que les recherches sur les pigeons, exposées dans les cinquième et sixième chapitres. Non content de nouer des relations avec des hommes éminents de tous les points du globe, M. Darwin a dû se faire éleveur lui-même, se faire recevoir de plusieurs clubs, et sacrifier ainsi, non-seulement un temps considérable, mais aussi des sommes importantes à la poursuite de ses études et de ses expériences. Or, s’il est peu de savants capables d’entreprendre de pareilles recherches, il en est encore moins qui se trouvent dans une position qui leur permette de disposer de matériaux aussi nombreux que ceux dont M. Darwin a su profiter. Il y a plus, les pigeons ne cessant presque jamais de couver, les pigeonneaux arrivant en peu de temps à maturité, les générations se succèdent sans interruption ; quelques lustres suffisent donc pour avoir des séries multiples de descendants. Il n’en est pas de même des autres espèces. « Il faut quatre ans, disait Napoléon Ier, pour faire un cheval ; il faut vingt ans pour faire un homme. » Les ressources et la vie d’un seul naturaliste ne suffiraient pas pour poursuivre sur la plupart des mammifères, et même des oiseaux, les études que M. Darwin a pu mener à bonne fin sur les pigeons. C’est ici que l’intervention des établissements publics devient nécessaire, indispensable, et c’est sur ce point que je voudrais attirer l’attention.