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CAUSES DES VARIATIONS.

conséquent la perte de certains caractères, et non que certaines conditions soient nécessaires pour le développement de ces caractères.

L’élévation de température semble agir directement sur la laine ; on a publié plusieurs rapports sur les changements que subissent, dans les Indes occidentales, les moutons importés d’Europe. Le Dr Nicholson d’Antigua m’apprend, qu’après la troisième génération, la laine disparaît de tout le corps, à l’exception des reins ; l’animal offre alors l’aspect d’une chèvre couverte d’un paillasson sale. Un changement analogue a lieu sur la côte occidentale d’Afrique[1]. D’autre part, dans les plaines chaudes de l’Inde, il existe beaucoup de moutons laineux. Dans les vallées basses et chaudes des Cordillères, d’après Roulin, si on tond les agneaux aussitôt que la laine a atteint une certaine épaisseur, tout continue comme à l’ordinaire, mais si on ne les tond pas, la laine se détache par flocons, et elle est remplacée d’une manière constante par un poil court et brillant, semblable à celui de la chèvre. Ce résultat curieux paraît être l’exagération d’une tendance naturelle à la race mérinos ; car, comme le remarque lord Somerville, une autorité dans la matière, la laine de nos mérinos devient, après la tonte, si dure et si grossière, qu’il serait presque impossible de supposer que le même animal pût produire une laine d’une qualité si complètement opposée à celle qu’on vient de lui enlever ; mais à mesure que le froid s’avance, les toisons récupèrent leur douceur. Dans les moutons de toutes races, la toison consistant en poils plus longs et plus grossiers qui recouvrent une laine plus courte et plus douce, le changement qu’elle éprouve souvent dans les climats chauds, n’est probablement qu’un fait d’inégal développement, car même chez les moutons qui, comme les chèvres, sont couverts de poils, on peut toujours trouver un peu de laine sous-jacente[2]. Le mouton de montagne sauvage de l’Amérique du

  1. Voir le Rapport des Directeurs de la Comp. de Sierra Leone, cité dans White’s Gradation of Man, p. 95. — Pour les changements qu’éprouvent les moutons dans les Indes occidentales, voir Dr Davy, Edinburgh new philos. Journal, janv. 1852. — Pour l’assertion de Roulin, voir Mém. des Savants étrangers, t VI, p. 347.
  2. Youatt, On Sheep, p. 69, où lord Somerville est cité. Voir p. 117, sur la présence de la laine sous le poil. — Toisons des moutons australiens, p. 185. — Sur la sélection comme contrariant la tendance au changement, p. 70, 117, 120, 168.