Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
LAPINS DOMESTIQUES.

leur forme souche, les produits ont une forte tendance à revenir à la couleur primitive de celle-ci ; et ce qui est remarquable, c’est que ce retour survient parfois pendant la croissance de l’animal, et non avant sa naissance. Si on peut donc montrer que les races gris argenté et chinchilla sont la descendance d’un croisement entre des variétés noires et albinos dont les teintes se sont intimement mélangées, — supposition qui n’est point improbable et qu’appuie le fait observé dans les garennes de lapins gris, produisant des jeunes couleur crème ou blanchâtre, qui deviennent ultérieurement noirs, — les faits paradoxaux ci-dessus signalés de changements de couleur chez les lapins gris argenté et chez leurs descendants himalayens, ne seraient que des cas d’une réversion ou retour, survenant à différentes époques de croissance et à des degrés divers, vers l’une ou l’autre des variétés originelles parentes, soit la variété noire, soit l’albinos.

Il est aussi très-remarquable que les lapins himalayens, quoique apparaissant si brusquement, reproduisent fidèlement leur type. Mais comme ils sont albinos dans leur jeune âge, le cas rentre dans une règle très-générale, car on sait que l’albinisme est fortement héréditaire, ainsi dans les souris blanches et d’autres quadrupèdes, et même dans les fleurs. Pourquoi, demandera-t-on, les oreilles, le nez, la queue et les pieds, reviennent-ils, à l’exclusion de toute autre partie du corps, à la couleur noire ? Ceci dépend probablement d’une loi, qui paraît aussi très-générale, c’est que les caractères communs à plusieurs espèces d’un même genre, — ce qui en fait implique une hérédité commune et prolongée de caractères appartenant à l’ancêtre du genre, — résistent avec beaucoup plus d’énergie, ou reparaissent, s’ils se sont perdus, avec plus de persistance que les caractères restreints aux espèces seulement. Or, dans le genre Lepus, la grande majorité des espèces ont les oreilles et la face supérieure de la queue teintées de noir ; et la persistance de ces marques est particulièrement visible chez celles qui en hiver deviennent blanches ; ainsi en Écosse, le L. variabilis[1] dans sa robe d’hiver offre une nuance de coloration sur le nez, et a le bout des oreilles noir. Les

  1. Waterhousse, Nat. History of Mammalia. — Rodents, 1846, p. 52, 60, 103.