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EFFETS DE L’USAGE ET DU DÉFAUT D’USAGE.

des grands lapins est au-dessous de la proportionnalité voulue de un à un pouce et demi. Enfin, partant de la longueur du crâne qui, ainsi que nous l’avons vu, n’a pas, suivant cette dimension, augmenté proportionnellement au corps, les membres se trouveront, comparés à ceux du lapin sauvage, trop courts de demi à trois quarts de pouce. Donc, quelque terme de comparaison qu’on prenne, les os des membres des grands lapins à oreilles pendantes n’ont pas, proportionnellement aux autres parties de l’individu, augmenté en longueur, mais bien en poids, ce qui, à ce que je crois, peut s’expliquer par la vie inactive à laquelle ils ont été condamnés pendant un grand nombre de générations. L’omoplate n’a pas non plus pris en longueur un accroissement proportionnel à celui qu’a éprouvé le corps.

Un point plus intéressant est celui de la capacité du crâne que je fus conduit à examiner, en trouvant, comme je l’ai dit plus haut, que chez tous les lapins domestiques comparés au lapin sauvage, le crâne avait augmenté beaucoup plus en longueur qu’en largeur. Si nous possédions un grand nombre de lapins domestiques de même taille que l’espèce sauvage, rien ne serait plus facile que de mesurer et comparer leurs capacités crâniennes. Mais cela n’est pas le cas, presque toutes les races domestiques ont le corps plus gros que le type sauvage, et chez les races à grandes oreilles il pèse plus du double. Un petit animal ayant à exercer ses sens, son intelligence et ses instincts tout comme un gros, nous ne devons pas nous attendre à trouver qu’un animal double ou triple d’un autre, ait un cerveau deux ou trois fois plus grand[1]. Après avoir pesé les corps de quatre lapins sauvages, et ceux de quatre grands lapins à oreilles pendantes (non engraissés), j’ai trouvé comme rapport moyen en poids des lapins sauvages aux derniers, 1 à 2,17 ; et pour rapport moyen en longueur, 1 à 1,41 ; tandis que le rapport de la capacité crânienne (mesurée comme nous l’indiquerons plus bas) n’était que 1 à 1,15. D’où la capacité crânienne, et partant le volume du cerveau, n’a que fort peu augmenté relativement au corps ; ce qui explique l’étroitesse du crâne par rapport à sa longueur chez tous les lapins domestiques.

Dans la première moitié du tableau ci-après, j’ai donné les mesures des crânes de dix lapins sauvages, et dans la seconde, de onze variétés entièrement domestiquées. Tous ces lapins variant beaucoup par la taille, il fallait avoir un terme fixe qui permit de comparer les capacités de leurs crânes. J’ai choisi, comme le plus convenable, la longueur du crâne qui, ainsi que nous l’avons déjà constaté dans les grandes races, ne s’est pas autant allongé que le corps ; mais comme, ainsi que les autres parties, le crâne varie cependant de longueur, ce n’est pas encore là un terme de comparaison irréprochable.

La première colonne renferme, en pouces et décimales, la longueur totale du crâne. Je sais que ces mesures prétendent à plus d’exactitude qu’il n’est possible, mais j’ai préféré noter exactement les indications du

  1. Voir sur ce sujet les remarques d’Owen, Zool. significance of Brain, etc., of Man, etc., lu à la British Association 1862. — Pour les oiseaux, voir Proc. zoological Society, 11 janv. 1848, p. 8.