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DESCRIPTION DES RACES.

collection des Colombides du British Museum, et, à l’exception de quelques formes (telles que les Didunculus, Calaenas, Goura, etc.), je n’hésite pas à affirmer que quelques-unes des races domestiques du Bizet diffèrent entre elles par leurs caractères extérieurs tout autant que peuvent le faire les genres naturels les plus distincts. Parmi les 288 espèces connues[1], nous chercherions en vain un bec aussi petit et conique que celui du Pigeon Culbutant à courte face ; ou aussi large et court que celui du Barbe ; ou aussi droit, long et étroit avec ses énormes caroncules que celui du Messager anglais ; une queue aussi étalée et redressée que celle du Pigeon à queue de paon ; enfin un œsophage semblable à celui des Grosses-gorges. Je ne veux point par là prétendre que les races domestiques diffèrent entre elles par l’ensemble de leur organisation autant que les genres naturels distincts ; je n’ai en vue que les caractères extérieurs, sur lesquels, il faut cependant le reconnaître, la plupart des genres des oiseaux ont été établis. Lorsque nous discuterons, dans un chapitre prochain, l’application du principe de la sélection par l’homme, nous verrons clairement pourquoi les différences entre les races domestiques sont presque toujours limitées aux caractères externes, ou du moins aux caractères extérieurement visibles.

Vu l’étendue et les gradations de différences qui existent entre les diverses races, je me suis trouvé obligé, dans la classification qui suit, de les ranger par groupes, races et sous-races, auxquels il faut parfois ajouter des variétés et sous-variétés, toutes transmettant leurs caractères propres. On peut même souvent distinguer dans une même sous-variété des branches ou familles différentes, suivant l’éleveur qui les a produites et conservées pendant longtemps. Il n’y a aucun doute que si les formes bien caractérisées des diverses races de pigeons eussent été trouvées à l’état sauvage, toutes eussent été regardées comme espèces distinctes, et plusieurs d’entre elles placées certainement par les ornithologistes dans des genres différents. Les nombreuses gradations des formes, et leurs passages réciproques des unes aux autres, rendent une bonne classification des diverses races domestiques

  1. Prince C.-L. Bonaparte, Coup d’œil sur l’ordre des Pigeons. Paris, 1855. Cet auteur fait 288 espèces groupées dans 85 genres.