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PIGEONS DOMESTIQUES.

bec de plus en plus long, ou de plus en plus court à un Culbutant ? Encore la limite extrême de la variabilité du bec, s’il y en a une, a-t-elle été atteinte ? Malgré les améliorations réalisées récemment sur le Culbutant courte-face, M. Eaton fait observer, « que le champ d’exploration ouvert à de nouveaux concurrents est aussi vaste qu’il y a un siècle ; » assertion peut-être un peu exagérée, car les jeunes individus de toutes les races artificielles très-perfectionnées, sont sujets aux maladies, et meurent facilement.

On a objecté que la formation des diverses races domestiques, ne jette aucun jour sur l’origine des espèces de Colombides sauvages, parce que les différences entre ces dernières ne sont pas de même nature. Ainsi les races domestiques diffèrent à peine, ou pas du tout, par les longueurs relatives ou les formes des rémiges primaires, par celles des doigts postérieurs, par les habitudes, telles que percher ou nicher sur les arbres. Cette objection montre combien on a peu compris le principe de la sélection. Il n’est pas vraisemblable que les caractères, auxquels le caprice de l’homme a appliqué la sélection, aient dû être précisément ceux que les circonstances naturelles eussent conservés, soit en raison des avantages directs ou de l’utilité qui devait en résulter pour l’espèce, soit par suite de la corrélation qui pouvait exister entre eux et d’autres conformations avantageuses et utiles. Tant que l’homme ne cherchera pas à trier ses oiseaux d’après la longueur relative de leurs rémiges ou de leurs doigts, etc., on ne doit pas s’attendre à voir ces parties se modifier ; et encore l’homme serait-il impuissant à y rien changer, si ces parties ne variaient pas d’elles-mêmes, sous l’influence de la domestication. Je n’affirmerai pas positivement que cela soit le cas, bien que j’aie observé des traces de variabilité dans les rémiges, et surtout dans les rectrices. Il serait étrange que le doigt postérieur ne variât pas du tout, quand on voit combien le pied peut varier, soit par ses dimensions, soit par le nombre de ses scutelles. Quant au fait que les races domestiques ne perchent ni ne nichent sur les arbres, il est évident que jamais aucun éleveur n’a dû s’attacher à choisir de pareilles modifications d’habitudes ; mais nous avons vu qu’en Égypte, les Pigeons qui paraissent avoir quelque répugnance à s’établir sur les petites huttes de boue des indi-