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INTRODUCTION.

relle peut être regardé comme une pure hypothèse, mais qui est rendue probable par ce que nous savons de positif sur la variabilité des êtres organisés dans l’état de nature ; par ce que nous connaissons de la lutte pour l’existence, de la conservation presque inévitable des variations favorables qui en est le résultat ; enfin, par la formation analogue des races domestiques.

Maintenant on peut mettre à l’épreuve la théorie (et ceci me paraît la seule manière équitable et légitime de considérer l’ensemble de la question) en cherchant si elle explique certains ensembles de faits, indépendants les uns des autres ; tels que la succession géologique des êtres organisés ; — leur distribution dans les temps passés et actuels ; — leurs affinités mutuelles et leurs homologies. Si le principe de la sélection naturelle explique ces groupes de faits importants et d’autres encore, il doit être pris en considération. L’opinion ordinaire de la création indépendante de chaque espèce ne nous donne aucune explication scientifique de l’ensemble des faits. Nous ne pouvons que dire qu’il a plu au Créateur de faire apparaître dans un certain ordre et sur certains points de sa surface les habitants passés et présents du globe ; qu’il leur a imprimé le cachet d’une ressemblance extraordinaire, et les a classés en groupes subordonnés. Cet énoncé ne nous apporte aucun enseignement nouveau, il ne rattache aucunement les uns aux autres les faits et les lois, il n’explique rien.

Dans un troisième ouvrage, je chercherai à vérifier le principe de la sélection naturelle en voyant jusqu’à quel point il explique les faits auxquels j’ai fait allusion. Lorsque, pendant le voyage du vaisseau de Sa Majesté le Beagle, je visitai l’archipel des Galapagos, situé dans l’océan Pacifique, à environ 500 milles des côtes de l’Amérique du Sud, je me vis entouré d’espèces particulières d’oiseaux, de reptiles et de plantes, n’existant nulle part ailleurs dans le monde. Presque toutes portaient un cachet américain. Dans le chant de l’oiseau moqueur, dans le cri rauque du faucon, dans les grands opuntias à forme de chandeliers, j’apercevais nettement le voisinage de l’Amérique, bien que les îles, séparées de la terre ferme par bien des lieues d’océan, en différassent notablement par leur constitution géologique et leur climat. Un fait plus surprenant encore était