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INTRODUCTION.

trouver aucune explication ; ils ne peuvent être groupés ni rattachés à un point de vue unique, et chacun d’eux ne peut être envisagé que comme un fait isolé. L’origine première de la vie à la surface du globe, de même que sa continuation dans chaque individu, étant actuellement hors de la portée de la science, je n’insiste pas beaucoup sur la plus grande simplicité de l’hypothèse de la création originelle d’un petit nombre de formes, ou même d’une seule, opposée à celle d’innombrables créations miraculeuses ayant eu lieu à d’innombrables périodes ; bien que la première, plus simple, s’accorde mieux avec l’axiome philosophique de Maupertuis, celui de la « moindre action. »

En examinant jusqu’à quel point on peut étendre la théorie de la sélection naturelle, c’est-à-dire en cherchant à déterminer le nombre des formes primitives dont ont pu descendre les habitants de la terre, nous pouvons conclure que tous les membres d’une même classe au moins, sont la descendance d’un seul ancêtre. On réunit dans une même classe un ensemble d’êtres organisés, parce qu’ils présentent, indépendamment de leurs habitudes, le même type fondamental de conformation, et qu’ils offrent entre eux une certaine gradation. De plus, les membres d’une même classe se montrent très-semblables entre eux dans les commencements de leur état embryonnaire. Ces faits s’expliquent par leur descendance d’une forme commune ; on peut donc admettre que tous les membres d’une même classe proviennent d’un ancêtre unique. Mais comme les membres de classes distinctes ont encore quelque chose de commun dans leur structure, et beaucoup dans leur constitution, l’analogie nous conduit à faire un pas de plus, et à regarder comme probable la descendance de tous les êtres vivants d’un prototype unique.

J’espère que le lecteur réfléchira avant d’en arriver à aucune conclusion définitive et hostile sur la théorie de la sélection naturelle. C’est dans les faits qui seront exposés ci-après que j’ai puisé ma conviction sur la vérité de cette théorie. Le lecteur peut consulter mon « Origine des espèces, » où il trouvera une esquisse générale du sujet, mais aussi bien des assertions qu’il devra accepter de confiance. En examinant la théorie de la sélection naturelle, il rencontrera assurément de grandes