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LEUR ORIGINE.

la fertilité réciproque de toutes les races entre elles[1] ; sur les dispositions générales, instincts, etc., qui sont les mêmes chez toutes les races. Mais nous devons, dans ce cas particulier, noter le fait que, dans la grande famille des canards, une seule espèce, l’A. boschas mâle, a les quatre rectrices caudales médianes frisées et recourbées en dessus ; or, dans toutes les races domestiques ci-dessus nommées, on retrouve ces pennes frisées ; et, en leur supposant une origine distincte, il faudrait admettre que l’homme ne serait autrefois précisément tombé que sur des espèces possédant toutes ce caractère, actuellement unique. En outre, dans chaque race, il y a des sous-variétés colorées exactement comme le canard sauvage, ainsi que je l’ai vu dans les races les plus grandes et les plus petites, telles que la race de Rouen et la race Chanterelle ; il en est de même, d’après M. Brent[2], chez les canards à bec courbé. Dans les produits d’un croisement, fait entre un canard Aylesbury blanc, et une cane Labrador noire, se trouvaient quelques canetons qui prirent en grandissant le plumage du canard sauvage.

Je n’ai vu que peu de canards Pingouins, et leur coloration n’était pas exactement celle de l’espèce sauvage ; mais sur trois individus provenant de Lombok et Bali, dans l’archipel Malais, et dont Sir J. Brooke m’a envoyé les peaux, les deux femelles étaient plus pâles et un peu plus rousses, que le canard sauvage, et le mâle avait tout son plumage, à l’exception du cou, des tectrices caudales, de la queue et des ailes, d’un gris argenté, finement barré de lignes foncées, et très-analogue à certaines parties du plumage de l’espèce sauvage. Mais cet oiseau s’est trouvé identique, plume pour plume, à une variété de la race commune, provenant d’une ferme du comté de Kent, et dont j’ai eu occasion de revoir ailleurs des individus semblables. Cette circonstance d’un canard, provenant d’un climat aussi spécial que celui de l’archipel Malais (où l’espèce sauvage n’existe pas), et ayant un plumage identique à celui qu’on

  1. J’ai eu connaissance de plusieurs faits sur la fertilité des produits des croisements de plusieurs races ; M. Yarrell m’apprend que le canard Chanterelle et le canard commun sont parfaitement fertiles ensemble. J’ai croisé ce dernier avec des becs courbés, un Pingouin avec un Labrador ; les produits de ces croisements furent fertiles, mais on ne les a pas croisés inter se, de sorte que l’essai n’a pas été complet. Quelques métis Pingouin et Labrador recroisés avec le Pingouin, que j’ai ultérieurement appariés entre eux, se sont montrés tout à fait fertiles.
  2. Poultry Chronicle, 1855, vol. III, p. 512.