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PAONS.

elle diffère de sa forme souche, qu’a surtout porté la sélection. Déjà anciennement les gourmets romains estimaient le foie de l’oie blanche, et Pierre Belon[1], en 1555, en mentionne deux variétés, dont l’une était plus grande, plus féconde et d’une meilleure couleur que l’autre ; il note expressément que les bons éleveurs faisaient très attention à la couleur des jeunes oiseaux, afin de déterminer quels étaient ceux qu’ils devaient choisir et conserver pour la reproduction.

LE PAON.

Cet oiseau est encore un de ceux qui n’ont presque pas varié sous l’influence de la domestication, si ce n’est un peu par la couleur, car il y en a qui sont blancs ou pies. M. Waterhouse, qui a comparé avec soin des peaux de l’oiseau indien sauvage et de la race domestique, les a trouvées identiques, à cela près que le plumage de cette dernière est un peu plus touffu. On est dans le doute au sujet de leur origine, et on ignore si nos paons descendent de ceux qui furent introduits en Europe du temps d’Alexandre, ou s’ils ont été importés depuis. Ils ne se reproduisent pas très-facilement chez nous, et sont rarement gardés en grand nombre, deux circonstances peu favorables à une sélection graduelle et à la formation de nouvelles races.

Un fait étrange relatif au paon, est celui de l’apparition en Angleterre d’une variété dite « à épaules noires, » qu’on a récemment, sur l’autorité de M. Sclater, séparée comme espèce distincte sous le nom de Pavo nigripennis, et que cet auteur croit devoir exister à l’état sauvage dans quelque pays, mais pas dans l’Inde, où elle est certainement inconnue. Ces oiseaux diffèrent considérablement du paon commun par la couleur des rémiges secondaires, des plumes scapulaires, des tectrices alaires et des cuisses ; les femelles sont plus pâles, et d’après M. Bartlett, les jeunes aussi sont différents. Ils se propagent d’une manière constante. Bien qu’ils ne ressemblent pas aux métis qu’on a obtenus du croisement des P. cristatus et

  1. Hist. de la nature des oiseaux, par P. Belon, 1555, p. 156. — Voir pour la préférence qu’avaient les Romains pour les foies de l’oie blanche, I. Geoffroy Saint-Hilaire, Hist. nat. gén. t. III, p. 58.