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FROMENT.

Metzger décrit sept espèces de froment, Godron cinq et de Candolle quatre seulement. Il n’est pas improbable, qu’outre les formes connues en Europe, il puisse, dans différentes parties éloignées du globe, y en exister d’autres bien nettement caractérisées ; car Loiseleur-Deslongchamps[1] mentionne trois nouvelles espèces ou variétés envoyées, en 1822, en Europe, de la Mongolie chinoise, et qu’il regarde comme indigènes à ce pays. Moorcroft[2] parle aussi du froment Hasora de Ladakh, comme très-particulier. Si les botanistes, qui admettent l’existence d’au moins sept espèces primitives de froment, ont raison, les variations que cette céréale a éprouvées sous l’action de la culture, quant à ses caractères importants, sont légères ; mais s’il n’y a eu, dans l’origine, que quatre espèces ou même moins, il est alors évident qu’il s’est formé des variétés assez tranchées, pour que des juges compétents aient pu les regarder comme spécifiquement distinctes. Toutefois, l’impossibilité où nous sommes de déterminer lesquelles formes doivent être considérées comme espèces, et lesquelles comme variétés, rend inutile la spécification détaillée des différences qui se remarquent entre les diverses sortes de froment. Les organes de la végétation, pris dans leur ensemble, varient peu[3] ; mais quelques formes croissent serrées et droites, tandis que d’autres s’étalent et traînent par terre. La paille diffère de qualité, et peut être plus ou moins creuse. Les épis[4], varient de couleur et de forme, et peuvent être quadrangulaires, comprimés ou cylindriques ; les fleurons diffèrent par leur degré de rapprochement, leur pubescence et leur plus ou moins grande longueur. La présence ou l’absence de barbes dans les épis, constitue une différence très-apparente, et sert même de caractère générique pour certaines graminées[5] ; bien que, comme Godron le fait remarquer[6], la présence des barbes varie dans quelques herbes sauvages, et surtout dans celles qui, comme le Bromus secalinus et le Lolium temulentum, croissant mélangées parmi nos céréales, se sont ainsi trouvées accidentellement soumises à la culture. Les grains varient de grosseur, de poids et de couleur ; ils peuvent être plus ou moins duvetés à une de leurs extrémités, lisses ou ridés, globuleux, ovales ou allongés ; enfin, ils peuvent différer par leur structure, étant tantôt tendres ou durs et même cornés, et par la proportion de gluten qu’ils contiennent.

Presque toutes les races ou espèces de froment, ainsi que le fait remarquer Godron[7], varient d’une manière parfaitement parallèle, — par les grains qui sont tomenteux ou glabres ; par la couleur, par la présence ou l’absence de barbes sur les fleurons, etc. — Ceux qui admettent la descendance commune des différentes variétés, d’une espèce sauvage unique, peuvent expliquer cette variation parallèle, comme la conséquence de l’héritage d’une

  1. Considérations sur les Céréales, 1842,–43, p. 29.
  2. Travels in the Himalayan Provinces, etc. 1841, vol. I, p. 224.
  3. Col. J. Le Couteur, Varieties of Wheat, p. 23, 79.
  4. Loiseleur-Deslongchamps, Consid. sur les Céréales, p. 11.
  5. Hooker, Journ. of Botany ; vol. VIII, p. 82, note.
  6. O. C., t. II, p. 73.
  7. O. C., t. II, p. 75.