Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/361

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
CHOUX.

colis ; 5o tous les bourgeons foliifères actifs et ouverts, avec la plupart des fleurs avortées et succulentes, comme le chou broccoli à jets. Cette dernière variété toute nouvelle, est exactement au broccoli ordinaire, ce qu’est le chou de Bruxelles au chou commun ; elle a fait son apparition au milieu d’une plantation de broccolis ordinaires, et s’est trouvée apte à se propager et à transmettre fidèlement ses caractères remarquables et nouvellement acquis.

Au XVIe siècle les principales sortes de choux ayant été déjà connues[1], un grand nombre de modifications de structure ont dû avoir été héréditaires depuis une longue période. Le fait est d’autant plus remarquable, qu’il a fallu beaucoup de soins pour éviter les croisements entre les diverses variétés. Pour en citer une preuve, j’ai levé 233 plantons de plusieurs sortes de choux, qui ont été ensuite placés à côté les uns des autres ; sur ce nombre 155 furent nettement altérés et mélangés, et aucun des 78 restants ne fut parfaitement pur. On peut douter que beaucoup de variétés permanentes aient pu naître de croisements intentionnels ou accidentels, car les plantes qui sont le produit de pareils mélanges, sont très-inconstantes. On prétend cependant avoir récemment produit une variété constante, en croisant le « chou-kale » commun avec le chou de Bruxelles, et recroisant avec le broccoli pourpre[2], mais les plantes que j’ai moi-même élevées, étaient loin de se montrer aussi constantes dans leurs caractères, que le chou commun.

Bien que la plupart des variétés restent constantes si l’on a soin d’éviter les croisements, il faut cependant chaque année visiter les plantons, car il s’en trouve souvent qui ne sont pas purs ; mais même dans ce cas la puissance de l’hérédité se manifeste en ce que, ainsi que le fait remarquer Metzger[3] à propos du chou de Bruxelles, les variations ne s’écartent pas de la race principale (Unterart). Pour propager avec constance une variété, il ne faut pas qu’il survienne des changements trop considérables dans les conditions extérieures ; ainsi les choux ne forment pas de têtes dans les pays chauds, et la même chose a été observée sur une variété anglaise plantée près de Paris, et qui avait crû pendant un automne chaud et très-humide[4]. Un sol pauvre affecte aussi les caractères de certaines variétés.

La plupart des auteurs admettent que toutes les races cultivées descendent du chou sauvage qu’on trouve sur les côtes occidentales de l’Europe ; mais Alph. de Candolle[5], s’appuyant sur des bases historiques et sur quelques autres raisons, regarde comme plus probable qu’elles doivent leur origine au mélange de deux ou trois espèces voisines, généralement considérées comme distinctes, et vivant encore actuellement dans les régions méditerranéennes. Mais comme nous l’avons déjà montré pour les animaux domestiques, la supposition d’une origine multiple ne jette aucun jour sur les différences caractéristiques qui se remarquent entre les di-

  1. Alph. de Candolle, Géogr. Bot., p. 842 et 989.
  2. Gardener’s Chronicle, 1858, p. 128.
  3. O. C., p. 22.
  4. Godron, O. C., t. III, p. 52. — Metzger, O. C., p. 22.
  5. O. C., p. 840.