Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/374

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
FRUITS.

des fleurs et des fruits appartenant aux formes pures des deux parents, parmi d’autres de nature croisée et mixte. Un bourgeon pris sur une branche quelconque et greffé sur un autre arbre, peut produire ou une des formes pures, ou un arbre produisant capricieusement les trois sortes. J’ignore si le cas du limon doux, contenant dans le même fruit des segments de pulpe de goûts différents[1] est un cas analogue. Mais j’aurai à revenir sur ce sujet.

Je termine par la description d’une variété fort singulière de l’orange commune, empruntée à l’ouvrage de A. Risso[2]. C’est le Citrus aurantium fructu variabili, dont les jeunes tiges poussent des feuilles ovales arrondies, piquetées de jaune, à pétioles pourvus d’ailettes cordiformes ; après leur chute, elles sont remplacées par des feuilles plus longues et plus étroites, à bords ondulés, d’un vert pâle bigarré de jaune, portées sur des pétioles non ailés. Pendant qu’il est jeune, le fruit est piriforme, jaune, longitudinalement strié et doux ; en mûrissant, il devient sphérique, d’un jaune plus rouge, et amer.

Pêches et Brugnons. (Amygdalus Persica). — Les meilleures autorités sont unanimes à reconnaître que la pêche n’a jamais été rencontrée sauvage. Importée un peu avant l’ère chrétienne de Perse en Europe, il n’en existait alors que peu de variétés. Alph. de Candolle[3] croit que ce fruit, ne s’étant pas répandu depuis la Perse à une époque plus reculée, et n’ayant aucun nom sanscrit ou hébreu pur, ne doit pas être originaire de l’Asie occidentale, mais probablement de la terre inconnue, la Chine. L’hypothèse que la pêche serait une amande modifiée, ayant acquis ses caractères actuels à une époque relativement récente, pourrait, à ce qu’il me semble, rendre compte de ces faits ; car, la pêche lisse, qui descend de la pêche, a aussi fort peu de noms indigènes, et n’a été connue en Europe que bien plus tard encore.

André Knight[4], ayant obtenu de la fécondation d’un amandier par le pollen d’un pêcher, une plante dont les fruits furent semblables à des pêches, fut conduit par là à soupçonner que le pêcher est un amandier modifié, opinion qu’ont partagé plusieurs auteurs[5]. Une pêche de bonne qualité, presque sphérique, pourvue d’une pulpe douce et molle, enveloppant un noyau très-dur, fortement sillonné et légèrement aplati, diffère certainement beaucoup d’une amande, dont le noyau très-aplati, allongé, tendre et à peine sillonné, est entouré d’une pulpe dure, amère et verdâtre. M. Bentham[6] a surtout insisté sur l’aplatissement remarquable de

  1. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 613.
  2. Ann. du Muséum, t. xx, p. 188.
  3. O. C., p. 882.
  4. Transact. of Hort. Soc., vol. iii, p. 1, et vol. iv, p. 369, accompagné d’un dessin colorié de cet hybride.
  5. Gardener’s Chronicle, 1856, p. 532. Un auteur, qui est probablement M. Lindley, fait remarquer la série parfaite qui relie l’amande et la pêche. M. Rivers, dont l’autorité et l’expérience sont incontestables, (Gardener’s Chronicle, 1863, p. 27), croit que les pêchers, abandonnés à eux-mêmes, finiraient par ne donner que des amandes, couvertes d’une pulpe épaisse.
  6. Journ. of Hort. Soc., vol. ix, p. 168.