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CHIENS.

sèdent une grande race, qu’ils échangent à un haut prix avec d’autres tribus[1].

L’argument principal en faveur de la descendance des différentes races de chiens de souches sauvages distinctes, est la ressemblance que, dans diverses régions, on peut constater entre elles et les espèces indigènes qui y existent encore. On doit toutefois supposer que la comparaison entre l’animal sauvage et le domestique n’a peut-être pas été dans tous les cas faite avec une exactitude suffisante. Avant d’entrer dans les détails, il est bon de montrer que l’opinion de la domestication de plusieurs espèces canines ne soulève à priori aucune difficulté, comme cela a lieu pour quelques autres quadrupèdes et oiseaux domestiques. Les membres de la famille canine sont répandus dans le monde entier, et plusieurs d’entre eux sont, par leur conformation et leurs mœurs, assez semblables à plusieurs de nos races domestiques. M. Galton[2] a montré combien les sauvages aiment à apprivoiser et à garder les animaux de toutes sortes. Les animaux sociables sont les plus aisément subjugués par l’homme, et plusieurs espèces de canidés chassent en troupes. On peut remarquer qu’aussi bien pour d’autres animaux que pour le chien, lorsqu’à une époque excessivement reculée, l’homme a paru dans une contrée, les animaux vivants ne devant éprouver à sa vue aucune crainte instinctive ou héréditaire, ont pu se laisser apprivoiser avec bien plus de facilité. Ainsi, lorsque les îles Falkland furent visitées par l’homme pour la première fois, le gros chien-loup (Canis antarcticus) vint, sans témoigner aucune crainte, à la rencontre des matelots de Byron, qui prenant pour de la férocité cette curiosité ignorante, se précipitèrent dans l’eau pour les éviter ; encore récemment un homme pouvait facilement avec un morceau de viande d’une main et un couteau dans l’autre, les égorger pendant la nuit. Dans une île de la mer d’Aral, découverte par Butakoff, les antilopes saïga qui sont généralement très-timides et vigilantes, ne cherchèrent point à se sauver, mais au contraire regardaient les hommes avec une sorte de curiosité. Encore, sur les côtes de l’île Maurice,

  1. Je dois ces informations à sir J. Schomburgk. — Voir aussi Journal of the R. Geographical Soc. vol. XIII, 1843, p. 65.
  2. Domestication of Animals. — Ethnol. Soc., Dec. 22, 1863.