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FRUITS.

par variation de bourgeons, des pêches lisses parfaites ; et il serait difficile de supposer que toutes ces variétés de pêches, qui ont été cultivées depuis bien des années, et dans une foule d’endroits, sans montrer de traces d’une parenté mélangée, pussent être néanmoins des hybrides. Une seconde explication consiste à admettre une action directe exercée sur le fruit du pêcher, par le pollen du pêcher lisse ; mais bien que cette action soit possible, nous n’avons pas la moindre preuve qu’une branche ayant porté des fruits directement affectés par du pollen étranger, puisse être assez profondément affectée pour produire ensuite des bourgeons qui continuent à développer des fruits de la forme nouvelle et modifiée. Or, il est connu que quand un bourgeon de pêcher a une fois porté une pêche lisse, dans plusieurs cas la même branche a continué pendant plusieurs années consécutives, à produire des fruits de même nature. Le pêcher lisse de Carclew, d’autre part, a produit d’abord des fruits mixtes, puis ultérieurement de vraies pêches. Nous pouvons donc admettre l’opinion commune, que le pêcher lisse est une variété du vrai pêcher, provenant soit d’une variation par bourgeons, soit de graine. Nous donnerons dans le chapitre suivant plusieurs exemples analogues de variations par bourgeons.

Les variétés du pêcher proprement dit et du pêcher lisse marchent parallèlement. Dans les deux catégories, les fruits diffèrent par la couleur de la pulpe, qui peut être blanche, rouge ou jaune ; par le noyau, qui peut ou non être adhérent à la pulpe ; par les dimensions de la fleur, et quelques autres particularités caractéristiques ; dans les deux, les feuilles peuvent aussi être dentelées sans glandes, ou crénelées et pourvues de glandes sphériques ou réniformes[1]. C’est à peine si ce parallélisme peut s’expliquer par la supposition que chaque variété de pêcher lisse provienne d’une variété correspondante du pêcher ; car bien que les pêchers lisses descendent de plusieurs formes de pêchers, un grand nombre d’entre eux proviennent directement de la graine d’autres pêchers lisses, et ils varient si considérablement lorsqu’on les reproduit ainsi, que l’explication n’est guère admissible.

Depuis l’ère chrétienne, époque à laquelle on n’en connaissait que deux ou cinq[2] (la pêche lisse étant inconnue), le nombre des variétés du pêcher a considérablement augmenté. Actuellement, outre un grand nombre qu’on dit exister en Chine, Downing décrit, dans les États-Unis, soixante-dix-neuf variétés de pêches tant indigènes qu’importées ; il y a peu d’années, Lindley[3] en comptait cent soixante-quatre cultivées en Angleterre, tant pêches proprement dites que pêches lisses. J’ai déjà signalé les différences principales qui existent entre les diverses variétés. Les pêches lisses, provenant même de variétés de pêches distinctes, conservent toujours leur goût particulier, et sont petites et unies. Dans les pêches qui diffèrent par l’adhérence ou la non-adhérence de la pulpe au noyau, ce dernier présente des caractères spéciaux ; il est plus profondément sillonné dans les fruits fondants, chez lesquels il se détache facilement de la pulpe,

  1. Catalogue of fruit in Garden of Hortic. Soc., 1842, p. 105.
  2. Dr Targioni-Tozzetti, Journ. Hort. Soc., IX, p. 167. Alph. de Candolle. O. C., p. 885.
  3. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 554.