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FRAISIERS.

ne ressemble en rien à celle d’aucune autre[1]. Bien que dans les diverses variétés le fruit diffère beaucoup par sa forme, sa grosseur, sa couleur et sa qualité, ce qu’on appelle la graine, est d’après Jonghe[2] la même dans toutes, ce qui peut s’expliquer par le fait que la graine, n’ayant aucune valeur, n’a pas été l’objet d’une sélection. Le fraisier est normalement trifolié, mais en 1761 Duchesne a élevé une variété du fraisier des bois à une feuille, que Linné avait regardé, mais avec doute, comme une espèce. Les produits de graine de cette variété, comme toutes celles qui n’ont pas été fixées par une sélection continue, reviennent souvent à la forme ordinaire, ou présentent des états intermédiaires[3]. Une variété, produite par M. Myatt[4], appartenant probablement à une des formes américaines, a présenté une variation opposée, car elle avait cinq feuilles ; Godron et Lambertye mentionnent aussi une variété à cinq feuilles de la F. collina.

La variété de fraisier des Alpes à buisson rouge (Red Bush Alpine), appartenant à la section de la F. vesca, ne produit pas de coulants, modification qui se transmet par graine. Une autre sous-variété, le fraisier des Alpes à buisson blanc, qui a le même caractère, change souvent lorsqu’on la reproduit de graine, et donne alors des plantes pourvues de coulants[5]. Un fraisier de la section américaine des Carolines donne aussi des jets latéraux, mais en petit nombre[6].

On a beaucoup écrit sur le sexe du fraisier ; le vrai Hautbois porte les organes mâles et femelles sur des plantes distinctes[7], et a été pour cette raison nommé dioïque par Duchesne, mais il donne souvent des plantes hermaphrodites ; Lindley[8] ayant propagé celles-ci par stolons, en supprimant en même temps les mâles, a fini par obtenir une plante pouvant se reproduire par elle-même. On remarque souvent chez les autres espèces une tendance à une séparation imparfaite des sexes, ainsi que je l’ai observé sur des fraisiers forcés en serre. Plusieurs variétés anglaises, qui dans leur pays ne manifestent pas cette disposition, produisent fréquemment des plantes à sexes séparés, lorsqu’on les cultive dans l’Amérique du Nord[9] et dans un sol riche. Ainsi, aux États-Unis, on a observé un acre entier planté du fraisier « Keen Seedling, » resté stérile par suite du défaut de fleurs mâles, bien qu’en général ce soient les plus abondantes. Quelques membres de la Société d’horticulture de Cincinnati, chargés d’approfondir ce sujet, ont rapporté que peu de variétés paraissent avoir les organes des deux sexes complets. Les cultivateurs les plus heureux de l’Ohio plantent pour chaque sept lignes de plantes femelles, une d’hermaphrodites, qui fournissent du pollen aux deux sortes ; mais ces der-

  1. Trans. of Hort. Soc., vol. vi, p. 200.
  2. Gardener’s Chronicle, 1858, p. 113.
  3. Godron, O. C., t. I, p. 161.
  4. Gardener’s Chronicle, 1851, p. 440.
  5. F. Gloede, Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1053.
  6. Downing, O. C., p. 532.
  7. Barnet, Hort. Transact. vol. VI, p. 210.
  8. Gardener’s Chronicle, 1847, p. 539.
  9. Pour les fraisiers d’Amérique, Downing, O. C., p. 524. — Gardener’s Chronicle, 1843, p. 188 ; — 1847, p. 539 ; — 1861, p. 717.