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CHIENS.

par les Européens, une race domestiquée nue, sans poils ; dans le Paraguay quelques-uns de ces chiens sont muets, et Tschudi[1] assure qu’ils souffrent du froid dans les Cordillères. Ce chien nu est toutefois très-distinct de celui qu’on trouve conservé dans les anciens cimetières péruviens, et décrit par Tschudi sous le nom de Canis Incæ, comme aboyant et supportant bien le froid. On ignore si ces deux sortes distinctes de chiens sont les descendants d’espèces indigènes, et on a supposé que, lors de la première immigration de l’homme en Amérique, il aurait amené avec lui du continent asiatique des chiens qui n’aboyaient pas ; mais cette opinion est peu probable, car sur leur ligne de marche depuis le nord, nous avons vu les habitants apprivoiser au moins deux espèces de canidés indigènes.

Dans l’ancien monde, quelques chiens européens tiennent beaucoup du loup : ainsi le chien de berger des plaines de la Hongrie est blanc ou brun rougeâtre, a le nez pointu, les oreilles droites et courtes, le poil rude, la queue touffue, et ressemble tellement au loup que M. Paget, qui en donne cette description, dit avoir vu un Hongrois prendre un loup pour un de ses chiens. Jeitteles constate également la ressemblance du chien de Hongrie et du loup. Il faut qu’anciennement en Italie les chiens de berger aient été fort semblables aux loups, puisque Columelle (VII, 12) conseille de choisir des chiens blancs en ajoutant : « Pastor album probat, ne pro lupo canem feriat. » On possède plusieurs données de croisements naturels entre chiens et loups, et Pline rapporte que les Gaulois attachaient leurs chiennes dans les bois pour être croisées par les loups[2]. Le loup d’Europe diffère légèrement de celui de l’Amérique du Nord, et a été considéré par beaucoup de naturalistes comme constituant une espèce distincte. Le loup commun de l’Inde est aussi regardé par quelques-uns comme une troisième espèce, et là encore nous pouvons constater une ressemblance

  1. Cité dans Humboldt, Aspects of Nature, trad. anglaise, vol. I, p. 108.
  2. Paget, Travels in Hungary and Transylvania, v. I, p. 501. — Jeitteles, Fauna Hungariæ superioris 1862, p. 3. — Voir Pline (Histoire du Monde liv. VIII, ch. xl) sur les Gaulois croisant leurs chiens. — Voir aussi Aristote, Hist. Animal, liv. VIII, c. xxviii. — Sur les croisements naturels entre chiens et loups près des Pyrénées, voir M. Mauduyt, Du Loup et de ses races, Poitiers 1851 ; — aussi Pallas, dans Act. Acad. St-Pétersbourg, 1780, Part. II, p. 94.