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DE REPRODUCTION ET DE VARIATION.

eu en sa possession des centaines d’arbres ainsi greffés, n’a jamais vu d’exemple de ce fait.

Gärtner[1] rapporte deux cas différents de branches de vigne à raisins foncés et blancs qui avaient été réunies de diverses manières, en les fendant en long et rejoignant ensemble les sections fraîches, etc., et qui produisirent parmi des grappes de raisins des deux couleurs, d’autres grappes panachées ou ayant une couleur intermédiaire nouvelle. Dans un des cas, les feuilles mêmes furent panachées. Ces faits sont d’autant plus remarquables, que A. Knight n’a jamais pu réussir à produire des raisins panachés par la fécondation des variétés blanches au moyen du pollen des variétés foncées, bien que, comme nous l’avons vu, il ait obtenu de graine des plantes à fruits et à feuilles panachés, en fécondant une vigne blanche par le raisin foncé et panaché d’Alep. Gärtner attribue les cas ci-dessus signalés à une simple variation de bourgeons ; mais il est étrange que les branches seules greffées d’une manière particulière aient ainsi varié ; et M. Adorne de Tscharner affirme positivement qu’il a obtenu plus d’une fois le résultat indiqué, et qu’il pouvait l’atteindre à volonté, en fendant les branches et en les réunissant de la manière décrite.

Je n’aurais pas cité le cas suivant sans la conviction que j’ai pu me faire des vastes connaissances et de la véracité de l’auteur des Jacinthes[2] ; il rapporte qu’on peut couper en deux les bulbes des jacinthes bleues et rouges, et que, plantées, elles poussent une tige unique (ce que j’ai moi-même observé), portant sur les côtés opposés des fleurs des deux couleurs. Mais le point le plus important est qu’il se produit quelquefois ainsi des fleurs sur lesquelles les deux couleurs sont mélangées, ce qui rend le cas tout à fait analogue à celui des couleurs mixtes des raisins produits par deux branches réunies de la vigne.

M. R. Trail a communiqué en 1867, à la Société botanique d’Édimbourg, le fait suivant, sur lequel il m’a depuis donné des renseignements plus complets. Ayant partagé par le milieu des yeux, et par moitiés une soixantaine de pommes de terre bleues et blanches, il les planta en les réunissant deux à deux avec soin, et après avoir détruit tous les autres yeux. Quelques-uns de ces tubercules rejoints, produisirent des pommes de terre blanches, d’autres des bleues ; il est à présumer que, dans ces cas, une seule des deux moitiés a dû pousser. Quelques-uns donnèrent des tubercules en partie blancs et en partie bleus, et sur quatre ou cinq d’entre eux, les tubercules furent régulièrement marbrés des deux couleurs. Nous devons conclure de ces derniers cas, que la réunion des deux bourgeons coupés en deux avait produit une tige, et les tubercules étant le résultat du développement et du renflement des branches souterraines qui partent de la tige principale, leur couleur marbrée semble prouver assez clairement un mélange intime des deux variétés. J’ai essayé de répéter ces expériences sur une grande échelle tant sur la pomme de terre que sur les jacinthes, mais sans succès ; mais le Dr Hildebrand vient de m’informer

  1. O. C., p. 619.
  2. Amsterdam, 1768, p. 124.