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ACTION DIRECTE DE L’ÉLÉMENT MÂLE

brides ont germé et ont également produit des plantes intermédiaires par leurs caractères. Ce cas est d’autant plus remarquable que le Chamærops et le Phœnix appartiennent non-seulement à des genres distincts, mais, selon quelques botanistes, à des sections différentes de la famille.

Gallesio[1] a fécondé les fleurs d’un oranger par le pollen d’un citronnier ; un des fruits ainsi obtenus portait une bande longitudinale d’écorce ayant la couleur, le goût et tous les caractères du citron. M. Anderson[2] a fécondé un melon à pulpe verte par le pollen d’un autre melon à chair rouge, et dans deux des fruits obtenus il y eut un changement appréciable ; quatre autres furent quelque peu altérés tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Les graines des deux premiers fruits ont donné des plantes qui participaient des propriétés des deux formes parentes. Dans les États-Unis, où on cultive, sur une grande échelle, les Cucurbitacées, l’affectation directe du fruit par le pollen étranger est un fait populaire[3], et il en est de même en Angleterre pour les concombres. On sait que des raisins ont été ainsi modifiés en couleur, grosseur et forme ; une variété pâle a eu en France son jus teinté par le pollen de la variété foncée Teinturier ; une autre variété en Allemagne a donné des baies modifiées par le pollen de deux variétés voisines ; quelques baies n’étaient que partiellement affectées et marbrées[4]. On a déjà, dès 1751[5], observé que lorsque des variétés de maïs de couleurs diverses croissent à proximité les unes des autres, elles affectent mutuellement leurs graines respectives, et ce fait constitue une croyance populaire aux États-Unis. Le Dr Savi[6] a fait des expériences précises à ce sujet ; il sema ensemble des maïs à grains jaunes et à grains noirs, et obtint sur le même épi des grains jaunes, des noirs, quelques grains marbrés[7], les grains de couleurs différentes pouvant être rangés en lignes ou

  1. Traité du Citrus, p. 40.
  2. Transact. Hort. Soc., vol. IV, p. 318, — et vol. v, p. 65.
  3. Prof. Asa Gray, Proc. Acad. Sc. Boston ; vol. IV, 1860, p. 21.
  4. Proc. Hort. Soc., vol. I, 1866, p. 50, pour le cas français ; — pour celui d’Allemagne, Mr  Jack, dans Henfreys Bot. Gazette, vol. I, p. 277. Un cas arrivé en Angleterre a été récemment communiqué à la Société d’horticulture de Londres, par le Rév. J. M. Berkeley.
  5. Philosoph. Transact., vol. XLVII, 1751–52, p. 206.
  6. Gallesio, Teoria della Riproduzione, 1816, p. 95. — Le Dr Hildebrand de Bonn, par lettre du 2 janvier 1868, m’informe qu’il a récemment croisé un maïs jaune avec un rouge, et a obtenu les mêmes résultats que le Dr Savi, avec la particularité que, dans un cas, l’axe qui porte les graines, était taché de couleur brune. Le Dr Hildebrand me signale aussi quelques cas remarquables relatifs au pommier, et analogues à ceux dont il est question plus loin. Ces faits intéressants seront prochainement publiés dans le Bot. Zeitung.
  7. Il peut être utile de rappeler ici les différents modes suivant lesquels les fleurs et fruits deviennent rayés ou pommelés : 1o par l’action directe du pollen d’une autre variété ou espèce, comme dans les cas donnés ci-dessus pour l’orange et le maïs ; 2o par des croisements de la première génération, lorsque les couleurs des parents ne s’unissent pas franchement, comme dans les croisements des Mirabilis et Dianthus ; 3o par des plantes croisées d’une génération suivante, par retour, tant par variation de bourgeons que par génération séminale ; 4o par retour à un caractère provenant non pas d’un croisement, mais depuis longtemps perdu, comme pour les variétés à fleurs blanches, qui, ainsi que nous le verrons, deviennent souvent rayées d’une autre couleur. Enfin, il y a des cas, comme celui des pêches portant une moitié ou un quart de pêche lisse, où le changement paraît dû à une simple variation, soit par bourgeon, soit par génération ordinaire.