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SUR LA FORME MATERNELLE.
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d’une manière irrégulière. M. Sabine raconte[1] qu’il a vu la forme presque globulaire de la capsule des graines de l’Amaryllis vittata s’altérer à la suite de la fécondation de cette plante, par le pollen d’une autre espèce dont la capsule était anguleuse. M. J. Anderson Henry[2] a fécondé le Rhododendron Dalhousiæ par le pollen du R. Nuttallii, qui est une des espèces du genre ayant les plus grandes et les plus belles fleurs. La plus grande gousse produite par la première espèce fécondée par son propre pollen, mesurait 1 1/4 de pouce en longueur et 1 1/2 de circonférence, tandis que trois des gousses, qui avaient été fécondées par le pollen du R. Nuttallii, mesuraient 1 5/8 de pouce de longueur, et 2 pouces de circonférence. Dans ce cas, nous voyons que l’action du pollen étranger paraît s’être bornée à augmenter les dimensions de l’ovaire ; mais comme le montre le cas suivant, ce n’est qu’avec circonspection qu’on peut affirmer que, dans ce cas, l’augmentation de grosseur a été directement transférée du parent mâle à la capsule de la plante femelle. M. Henry ayant fécondé l’Arabis blepharophylla par le pollen de l’A. Soyeri, en obtint des gousses dont il m’a communiqué les dimensions et les croquis, et qui se trouvaient beaucoup plus grandes que celles produites naturellement par les espèces parentes mâle ou femelle. Nous verrons, dans un chapitre futur, que dans les plantes hybrides, et indépendamment des caractères des parents, les organes de la végétation sont quelquefois développés à un degré monstrueux, et il est possible que l’augmentation de grosseur des gousses dont nous venons de parler, soit un cas analogue.

L’action directe du pollen d’une variété sur une autre, n’est nulle part plus remarquable ni mieux démontrée que dans le cas du pommier ordinaire. Chez cet arbre, le fruit est formé de la partie inférieure du calice, et de la partie supérieure du pédoncule floral[3] métamorphosé, de sorte que l’influence du pollen étranger se fait sentir au delà des limites de l’ovaire. Bradley a enregistré des cas de pommes ainsi affectées, au commencement du siècle dernier, et on en trouve d’autres dans d’anciens volumes des Transactions philosophiques[4] ; l’un est relatif à deux variétés de Reinettes qui avaient réciproquement modifié leurs fruits respectifs ; l’autre à une variété lisse qui avait affecté la surface d’une variété à peau rugueuse. On a encore signalé[5] un cas de deux pommiers fort différents, croissant à peu de distance l’un de l’autre, et qui portèrent tous deux des fruits semblables, mais seulement sur les branches qui étaient les plus rapprochées. Mais il est superflu de rappeler de pareils cas, après celui du pommier de Saint-Valery qui, ne produisant pas de pollen par suite de l’avortement de ses étamines, doit être chaque année artificiellement fécondé, opération s’exécutant par les filles de l’endroit, au moyen de pollens

  1. Transact. Hort. Soc., vol. v, p. 69.
  2. Journal of Horticult., 20 janv. 1863, p. 46.
  3. Prof. Decaisne, traduit dans Proc. Hort. Soc., vol. i, 1866, p. 48.
  4. Vol. XLIII, 1744–45, p. 525 ; vol.xlv, 1747–48, p. 602.
  5. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 63 et 68. — Puvis, de la Dégénération, 1837, p. 36, cite aussi plusieurs cas, mais il n’est pas toujours possible de distinguer entre l’action directe du pollen étranger et celle des variations par bourgeons.