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ACTION DIRECTE DE L’ÉLÉMENT MÂLE

de différentes variétés. Il en résulte des fruits différents de grosseur, couleur et saveur, et ressemblant à ceux des variétés qui ont fourni l’élément fécondant[1].


Nous venons de montrer, d’après l’autorité de plusieurs bons observateurs que, dans des plantes appartenant à des ordres fort différents, le pollen d’une variété ou espèce, appliqué sur une forme distincte, peut occasionnellement modifier les enveloppes des graines, l’ovaire ou le fruit, et même dans un cas, le calice et la partie supérieure du pédoncule de la plante mère. Cette action peut s’exercer sur l’ensemble de l’ovaire et sur toutes les graines, ou parfois sur un certain nombre de ces dernières, comme dans le pois, ou sur une partie seulement de l’ovaire, comme dans les cas de l’orange segmentée, du maïs, et des raisins tachetés. On ne doit pas admettre qu’un effet direct et immédiat doive invariablement et toujours résulter de l’emploi d’un pollen étranger ; cela n’est pas le cas, et on ignore complètement les conditions dont dépend cet effet. M. Knight[2] affirme que, bien qu’il ait opéré des milliers de croisements de pommiers et d’autres arbres fruitiers, il n’a jamais eu occasion d’observer un cas d’une modification pareille dans leurs fruits. Il n’y a aucune raison pour croire qu’une branche qui a porté des fruits affectés par du pollen étranger, doive elle-même l’être, de manière à produire ultérieurement des bourgeons modifiés ; un pareil fait semble presque impossible, vu le peu de durée des connexions qui n’existent que passagèrement entre la fleur et la tige. On ne peut donc expliquer, par l’action d’un pollen étranger, que bien peu, pour ne pas dire point, des modifications subitement apparues sur les fruits, dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre, car elles ont ensuite été généralement propagées par greffes. Il est également évident que les changements de coloration qui se manifestent dans les fleurs longtemps avant qu’elles soient prêtes à être fécondées, ou dans la forme ou la couleur des feuilles, ne peuvent aucunement être rattachés à l’action d’un pollen étranger : tous ces cas doivent être attribués à une simple variation de bourgeons.

  1. T. de Clermont-Tonnerre, Mém. Soc. Linn. de Paris, t. III, 1825, p. 164.
  2. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 68.