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SUR LA FORME MATERNELLE.

a publié un grand nombre de faits analogues et parfaitement authentiques, sur nos variétés d’animaux domestiques, et on m’en a communiqué plusieurs autres, qui tous démontrent avec évidence l’action qu’exerce le premier mâle sur les portées subséquentes d’une femelle fécondée par d’autres mâles. Il suffit d’en donner un seul cas qui se trouve consigné dans les Transactions philosophiques, dans une notice qui suit celle de lord Morton : M. Giles ayant livré à un sanglier sauvage de manteau marron foncé, une truie de la race d’Essex noire et blanche, les produits de la portée participèrent des caractères tant de la truie que du sanglier ; mais, dans quelques-uns, la couleur du père prédomina fortement. Longtemps après, la même truie rendue à un verrat de sa même race noire et blanche, — race qui se reproduit avec une constance parfaite, et chez laquelle jamais la moindre trace de marron n’a été signalée, — fit une portée dans laquelle quelques petits se trouvèrent avoir le même manteau marron que ceux de la première. Ces faits sont si fréquents et connus des éleveurs soigneux, qu’ils évitent toujours de donner une femelle de choix à un mâle inférieur, précisément à cause du préjudice qui peut en résulter pour les produits de ses portées subséquentes.

Quelques physiologistes ont tenté d’expliquer ces résultats remarquables d’une première fécondation, par l’attachement intime et par la communication libre des vaisseaux sanguins entre l’embryon modifié et la mère. Mais cette hypothèse d’une modification des organes reproducteurs d’un individu par le sang d’un autre, de façon à modifier la progéniture subséquente, est au plus haut point improbable. L’action directe d’un pollen étranger sur l’ovaire et l’enveloppe des graines de la plante mère doivent, par analogie, appuyer l’idée que c’est l’élément mâle qui exerce une action directe sur les organes reproduc-

    plusieurs cas sur les juments, les truies et les chiens. — M. W. C. L. Martin (Hist. of the Dog, 1845, p. 104), donne plusieurs observations personnelles sur l’influence du premier mâle, sur les portées faites ultérieurement par la femelle et par des autres mâles ; Jacques Savary, poëte français, qui a écrit, en 1665, sur les chiens, paraît avoir connu ce fait singulier. — Le Dr  Bowerbank me communique le cas frappant suivant : une chienne turque noire et sans poils, ayant été accidentellement couverte par un épagneul métis à longs poils bruns, mit bas cinq petits, dont trois furent sans poils et deux couverts d’un poil brun et court. Livrée ensuite à un chien turc également noir et sans poils, les petits de cette seconde portée furent pour moitié semblables à la mère, c’est-à-dire turcs purs, l’autre moitié des produits ressemblant tout à fait aux chiens à poils courts provenant du premier père.