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LEUR ORIGINE.

difficulté importante. À l’état sauvage, ces animaux auraient été en quelque sorte stériles, si on les eût croisés entre eux, et cette stérilité sera admise comme certaine par tous ceux qui croient que la diminution de fécondité dans les formes croisées est le critérium infaillible d’une distinction spécifique. Quoi qu’il en soit, ces animaux restent distincts dans les pays qu’ils habitent en commun. D’autre part, tous les chiens domestiques qu’on suppose être descendus de plusieurs espèces distinctes sont généralement fertiles entre eux. Mais, comme Broca[1] le fait remarquer avec raison, la fécondité de générations successives de chiens métis n’a jamais été étudiée avec le soin qu’on a cru devoir apporter aux essais sur le croisement des espèces. On a quelques faits qui semblent conduire à la conclusion que les différentes races de chiens n’offrent pas toutes la même puissance reproductive dans les croisements, sans parler des différences de taille qui rendent le croisement difficile. L’alco[2] du Mexique paraît avoir de l’aversion pour les autres chiens ; d’après Rengger, les chiens nus du Paraguay se mêlent beaucoup moins avec les races européennes que celles-ci ne le font entre elles ; on prétend qu’en Allemagne le chien spitz se croise avec le renard plus volontiers que les autres races, et le docteur Hodgkin cite le cas d’une femelle de dingo qui, en Angleterre, attirait les renards mâles. Si ces derniers faits sont exacts, ils constatent, en effet, une différence sexuelle entre les races de chiens. Mais il n’en reste pas moins établi que nos chiens domestiques, bien que différant considérablement les uns des autres par leur conformation externe, sont bien plus fertiles entre eux que n’ont dû l’être entre eux leurs parents sauvages. Pallas[3] affirme que la domestication prolongée élimine la stérilité que manifestent les espèces voisines lorsqu’elles sont de capture récente ; cette hypothèse ne s’appuie sur aucun fait positif, mais, outre les preuves que nous en fournissent d’autres animaux domestiques, je la crois vraie, tant l’origine de nos chiens domestiques me paraît avec évidence devoir être rattachée à plusieurs souches sauvages.

  1. Journal de Physiologie, t. II, p. 385.
  2. Voir la description de cette race dans Gosse, Jamaica, p. 338, et Rengger Säugethiere von Paraguay, p. 153. — Pour les chiens spitz, voir Bechstein, Naturg. Deutschlands, 1801, v. I, p. 638. — Hodgkin, voir le Zoologist, vol. IV, 1845–46, p. 1097.
  3. Act. Acad., St.-Pétersb, 1780 ; part. II, p. 84, 100.