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ACTIONS MODIFICATRICES.

des mamelles. Le doigt supplémentaire qui se trouve généralement chez les dogues, et quelques-unes des différences plus importantes du crâne et de la mâchoire inférieure sont plus ou moins caractéristiques des diverses races. Mais n’oublions pas que dans aucun de ces cas l’action dominante de la sélection n’a été mise en jeu ; nous avons sur plusieurs points essentiels de la variabilité, mais les différences n’ont pas été fixées par la sélection. L’homme tient à la forme et à la légèreté de ses lévriers, à la taille de ses dogues, à la puissance de la mâchoire de ses bouledogues, etc. ; mais il ne s’inquiète nullement du nombre de leurs molaires, de leurs mamelles ou de leurs doigts ; nous ne savons pas d’ailleurs en quelle corrélation les variations de ces organes peuvent se trouver avec les autres parties du corps, sur lesquelles l’homme exerce son influence modificatrice. Ceux qui se sont occupés de sélection admettront que, la nature donnant la variabilité, il serait possible à l’homme, si cela lui convenait, de fixer aux pattes postérieures de certaines races de chiens un cinquième doigt aussi sûrement qu’il l’a fait pour la poule dorking ; il fixerait probablement aussi, mais avec plus de difficulté, une paire de molaires surnuméraires à l’une ou à l’autre mâchoire, de la même façon qu’il a ajouté à certaines races de moutons des cornes additionnelles : s’il voulait encore produire une race de chiens édentés, il y arriverait probablement au moyen du chien turc, aux dents si imparfaites, car il a réussi à produire des races de bœufs et de moutons sans cornes.

Nous sommes du reste parfaitement ignorants sur les causes précises qui ont amené les diverses races de chiens à différer si considérablement entre elles. Nous pouvons expliquer une partie de la différence dans la conformation extérieure, par l’héritage des souches sauvages distinctes, c’est-à-dire due aux modifications déjà effectuées par la nature avant la domestication. Il faut accorder quelque chose aux croisements entre les races domestiques et naturelles. Je reviendrai bientôt sur ce croisement des races. Nous avons déjà vu combien les sauvages croisent leurs chiens avec les espèces indigènes libres, et Pennant[1] cite un exemple curieux d’une localité en Écosse,

  1. History of Quadrupeds, 1793, vol. I, p. 238.