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SÉLECTION.

utile et supérieur, l’emploiera généralement comme reproducteur, dans l’espoir d’en obtenir des produits ayant les mêmes qualités ; mais tant qu’il n’a pas pour but déterminé d’améliorer sa race, on peut dire qu’il ne fait que de la sélection inconsciente[1]. Nous avons enfin la sélection naturelle, qui implique que les individus qui sont le mieux adaptés aux conditions complexes, et dans le cours des temps changeantes, au milieu desquelles ils se trouvent, survivent et reproduisent leurs semblables. Dans les produits domestiques, dont nous nous occupons plus spécialement ici, la sélection naturelle peut intervenir dans une certaine limite, en dehors de l’action de l’homme, et même parfois, contrairement à sa volonté.

Sélection méthodique. — Nos expositions actuelles de bétail amélioré et d’oiseaux de fantaisie, démontrent clairement ce que l’homme a pu faire en Angleterre, dans ces derniers temps, au moyen de la sélection méthodique. Nous devons les grandes améliorations de notre gros bétail, et de nos moutons et porcs, à une série de noms connus, — Bakewell, Collins, Ellman, Bates, Jonas Webb, les lords Leicester et Western, Fisher Hobbs et d’autres. Les auteurs agricoles sont unanimes à reconnaître l’efficacité de la sélection, et nous trouverions dans leurs écrits de nombreux faits à l’appui de notre thèse. Youatt, observateur sagace et expérimenté, dit[2] que le principe de la sélection permet à l’agriculteur, non-seulement de modifier les caractères de son troupeau, mais de les changer entièrement. Un éleveur de courtecornes[3] dit à leur sujet, « que les éleveurs modernes ont beaucoup amélioré les courtecornes de Ketton, en corrigeant les défauts de l’articulation de l’épaule, et en changeant la position de son sommet de manière à remplir la cavité qui se trouvait derrière… L’œil a eu ses modes à diverses époques ; autrefois l’œil était haut et saillant, plus tard il fut terne et enfoncé, extrêmes qui ont disparu pour céder la place à un œil ample, clair et saillant, au regard placide ».

  1. Le terme de sélection inconsciente a été contesté comme impliquant une contradiction ; mais le professeur Huxley, dans Nat. Hist. Review, Oct. 1864, p. 578, fait à ce sujet d’excellentes observations, et remarque que, lorsque le vent amoncelle des dunes de sable, il trie et choisit d’une manière inconsciente, au milieu du gravier de la grève, les grains de sable de grosseur égale.
  2. Sheep, 1838, p. 60.
  3. J. Wright, On Shorthorn Cattle ; Journ. of R. Agric. Soc, vol. vii, p. 208, 209.