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HÉRÉDITÉ.

qui est pratiquée depuis tant de générations chez leurs coreligionnaires, n’a eu aucun effet héréditaire ; d’un autre côté, Blumenbach assure[1] qu’en Allemagne les Juifs naissent quelquefois dans un état qui rend l’opération inutile, et auquel on a donné un nom qui signifie « né circoncis. » Le chêne et d’autres arbres ont dû porter des galles dès les temps primitifs ; ils ne produisent cependant pas des excroissances héréditaires, et on pourrait encore citer bien d’autres faits analogues.

On a d’autre part signalé divers cas de chats, chiens et chevaux, qui ont eu la queue, les jambes, etc., amputées ou mutilées, et dont les produits ont présenté une déformation des mêmes parties ; mais comme de semblables difformités apparaissent souvent d’une manière spontanée, ces cas peuvent n’être que de simples coïncidences. Toutefois, le Dr P. Lucas, d’après de bonnes autorités, a dressé une liste si longue de lésions héréditaires, qu’il est difficile de ne pas admettre leur possibilité. Ainsi, une vache ayant perdu une corne par accident, perte suivie de suppuration, donna ensuite naissance à trois veaux auxquels la corne du même côté de la tête manquait. Il n’est pas douteux que, chez le cheval, les exostoses des jambes, causées par un excès de travail sur les routes dures, ne soient héréditaires. Blumenbach cite le cas d’un homme dont le petit doigt de la main droite avait été presque entièrement coupé, et par suite était devenu tordu, et dont les fils eurent, à la même main, le petit doigt dans le même état. Un soldat qui, quinze ans avant son mariage, avait perdu l’œil gauche à la suite d’une ophthalmie purulente, eut plus tard deux fils qui, du même côté, furent microphthalmes[2]. Si ces cas, où un parent ayant eu un organe lésé a eu plus d’un enfant présentant du même côté le même organe affecté, sont vrais, il faut convenir que la probabilité d’une simple coïncidence est bien faible. Mais le fait le plus remarquable et le plus digne de foi est celui qu’a signalé le Dr Brown-Sequard[3], à propos du cochon d’Inde. Cet observateur a constaté chez de jeunes animaux de cette espèce, provenant de parents sur

  1. Philosoph. Magazine, vol. IV, 1799, p. 5.
  2. Sedgwick, O. C., p. 484. — Dr P. Lucas, O. C., t. II, p. 492. — Trans. Linn. Soc., vol. IX, p. 323. — Quelques cas curieux sont donnés par M. Baker dans le Veterinary, vol. XIII, p. 723. — Voy. aussi dans Annales des Sciences nat., 1re  série, t. XI, p. 324.
  3. Proc. Royal Society, vol. x, p. 297.