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HÉRÉDITÉ.

coup d’anomalies de conformation et de maladies[1], dont nous avons cité des exemples dans le chapitre précédent, ont été introduites dans la famille par un de ses membres, et ont reparu dans la descendance, après avoir sauté deux ou trois générations. Le cas suivant m’a été communiqué par une autorité excellente et digne de toute confiance. Une chienne pointer (arrêt), avait mis bas d’une seule portée sept petits, dont quatre étaient marqués de bleu et de blanc ; cette couleur est si extraordinaire chez les pointers, qu’on crut d’abord à une mésalliance avec un des lévriers, et toute la portée fut condamnée ; le garde-chasse fut toutefois autorisé à garder un des petits comme curiosité. Un ami du propriétaire, voyant ce chien deux ans plus tard, déclara qu’il était exactement le portrait de son ancienne Sapho, la seule chienne pointer bleue et blanche de race pure qu’il eut jamais vue. Une enquête minutieuse eut alors lieu, et il fut démontré que le chien en question se trouvait être l’arrière-petit-fils au deuxième degré de Sapho, dont il contenait par conséquent dans ses veines, un seizième du sang. Il y a donc là un exemple incontestable de la réapparition, après trois générations, d’un caractère dérivé d’un croisement avec un animal de la même variété.

Lorsqu’on croise deux races distinctes, il est reconnu que les produits offrent toujours une forte tendance, qui peut se maintenir pendant plusieurs générations, à faire retour à l’une des formes parentes, ou même à toutes deux. J’ai constaté moi-même ce fait, avec toute évidence, chez les pigeons croisés et sur des plantes. M. Sidney[2] rapporte que, dans une portée de porcs d’Essex, il trouva deux petits, qui étaient les portraits d’un verrat du Berkshire dont, vingt-huit ans auparavant, il s’était servi pour donner à sa race une forte constitution et plus de taille. Dans la ferme de Betly-Hall, j’ai remarqué des poules qui ressemblaient beaucoup à des Malaises, et M. Tollet m’apprit qu’ayant, quarante ans auparavant, croisé ses oiseaux avec des Malais, et qu’ensuite ayant voulu se débarrasser de la lignée ainsi produite, il avait fait de vains efforts pour y arriver, mais que le caractère Malais reparaissait toujours.

  1. M. Sedgwick, O. C., 1863. p. 188, 448.
  2. Dans son édit. de Youatt, On the Pig, 1860, p. 27.