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RETOUR.

Cette tendance prononcée qu’ont les races croisées à faire retour, a donné lieu à des discussions infinies sur le nombre de générations après lesquelles une race pouvait être considérée comme pure, et ne plus offrir de chances de retour, lorsqu’elle avait subi un croisement, soit avec une race distincte, soit seulement avec un animal inférieur. Personne n’admet qu’il faille moins de trois générations ; la plupart des éleveurs croient que six, sept, et même huit sont nécessaires, d’autres en veulent encore davantage[1]. On ne peut indiquer aucune règle générale quant au temps nécessaire pour effacer toute tendance au retour, soit dans le cas où une race a été souillée par un seul croisement, soit dans celui où, en vue d’établir une race intermédiaire, on a, pendant plusieurs générations successives, apparié des animaux croisés. Ce temps peut dépendre de la différence dans la puissance de transmission chez les deux parents, de l’étendue de leurs différences réelles, et aussi des conditions extérieures dans lesquelles se trouvent les produits du croisement. Il faut éviter avec soin de confondre ces cas de retour à des caractères acquis d’un croisement, avec ceux de la première classe, dans lesquels des caractères primitivement communs aux deux parents, mais perdus à une époque antérieure, reparaissent de nouveau, car ces caractères peuvent se représenter après un nombre indéfini de générations.

La loi de retour se montre également très-puissante chez les hybrides, lorsqu’ils sont assez féconds pour reproduire entre eux, ou, lorsqu’on les recroise avec l’une ou l’autre des formes parentes pures ; il en est de même chez les métis. Presque tous ceux qui ont étudié ce sujet chez les plantes, depuis Kölreuter jusqu’à nos jours, ont signalé cette tendance ; Gärtner en cite de bons exemples, et Naudin en a donné quelques cas très-frappants[2]. Cette tendance peut varier en force et en étendue suivant les groupes, et, comme nous allons le voir, paraît dépendre en partie de ce que les plantes parentes ont subi une culture prolongée. Bien que la tendance au retour soit très-générale chez presque tous les hybrides, on ne peut pas la

  1. Dr P. Lucas, O. C., t. I, p. 314, 892. — Gardener’s Chronicle, 1856, p. 620.
  2. Kölreuter, Dritte Fortsetzung, 1766, p. 53, 59, et dans ses Mémoires sur Lavatera et Jalapa. — Gärtner, Bastarderzeugung, p. 437, 441, etc. — Naudin, Recherches sur l’Hybridité, Nouv. Archives du Muséum, t. I, p. 25.