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HÉRÉDITÉ.

considérer comme les caractérisant d’une manière invariable ; il y a aussi lieu de croire qu’elle peut être maîtrisée par une sélection longtemps prolongée ; mais ce sont là des points que nous discuterons plus tard, à l’occasion des croisements. D’après ce que nous voyons de la puissance et de la portée du retour, tant dans les croisements de races pures, que dans ceux des variétés ou espèces, nous devons conclure que des caractères de toute nature peuvent reparaître après avoir été perdus pendant un temps fort long. Il n’en résulte cependant pas que, dans chaque cas particulier, des caractères donnés doivent nécessairement disparaître ; c’est ce qui n’arrivera pas, par exemple, si on croise une race avec une autre, douée d’une puissance de transmission prépondérante. Dans quelques cas rares, le pouvoir de retour peut faire complètement défaut, sans que nous puissions en assigner aucunement la cause ; ainsi on a constaté en France que, dans une famille dont quatre-vingt-cinq membres sur six cents avaient, dans le cours de six générations, été atteints de cécité nocturne, il ne s’est pas présenté un seul cas de cette affection chez les enfants de parents qui eux-mêmes ne l’avaient pas eue[1].

Retour par propagation de bourgeons. — Retour partiel, par fractions, sur une même fleur ou fruit, ou sur différentes parties du corps d’un même animal. — Nous avons donné, dans le onzième chapitre, un certain nombre de cas de retour par bourgeons, indépendamment de toute génération séminale ; ainsi par exemple, un bourgeon foliifère d’une variété panachée, frisée ou laciniée, reprenant tout à coup ses caractères ordinaires ; ou l’apparition sur une rose mousseuse d’une rose de Provence, ou d’une vraie pêche sur un pêcher lisse. Dans quelques-uns de ces cas, une partie seulement, la moitié de la fleur ou du fruit, ou une fraction moindre, ou seulement des bandes étroites, ont repris leur ancien caractère ; nous avons donc bien là un retour par fractions dans un cas de reproduction par bourgeons. Vilmorin[2] a aussi signalé, sur des plantes

  1. Cité par M. Sedgwick, dans Med. Chir. Review, 1861, p. 485. — Le Dr H. Dobell, dans Med. Chir. Transactions, vol. XLVI, cite un cas analogue, dans lequel, dans une nombreuse famille, un épaississement des articulations des doigts se transmit pendant cinq générations à plusieurs de ses membres ; mais une fois la difformité disparue, elle ne se remontra jamais.
  2. Verlot, des Variétés, 1865, p. 63.