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HÉRÉDITÉ.

et presque régulière des raies chez les hybrides précités reste inexpliquée.

Il semble qu’il y ait, chez les animaux croisés, la même tendance à recouvrer les instincts aussi bien que d’autres caractères perdus. Il est certaines races de poules qu’on nomme pondeuses éternelles, parce qu’elles ont perdu tout instinct d’incubation, au point, qu’on a cru devoir, dans les ouvrages sur la basse-cour, consigner les rares cas où on a vu couver des poules de ces races[1]. L’espèce originelle était cependant nécessairement bonne couveuse, car, dans l’état de nature, il est peu d’instincts qui soient plus énergiquement développés que celui-là. Or, on a enregistré tant de cas de poules obtenues du croisement de deux races, l’une et l’autre incapables d’incubation, et devenues des couveuses de premier ordre, qu’il faut attribuer à un retour par croisement la réapparition de cet instinct perdu. Un auteur va même jusqu’à dire qu’un croisement entre deux variétés non couveuses, donne presque invariablement un oiseau capable de couver, et même avec une constance remarquable[2]. Un autre auteur, après avoir cité un exemple frappant du même genre, remarque que ce fait ne peut s’expliquer que d’après le principe que deux négatifs font un positif. On ne peut toutefois pas affirmer que les poules provenant d’un croisement entre deux races non couveuses recouvrent invariablement l’instinct contraire perdu, pas plus que les pigeons ou poules croisés ne reprennent toujours le plumage bleu ou rouge de leurs prototypes. J’ai élevé plusieurs poulets d’une poule Huppée par un coq Espagnol, — deux races qui ne couvent pas, — et aucune des jeunes poules ne recouvra d’abord l’instinct de l’incubation, ce qui semblait constituer une exception bien nette à la règle précitée ; mais une de ces

  1. Poultry Chronicle, 1855, vol. III, p. 477, cas de poules espagnoles et huppées devenues couveuses.
  2. Poultry Book, de M. Tegetmeier, 1866, p. 119, 163. L’auteur raconte que deux couvées provenant d’un coq espagnol et d’une poule Hambourg rayée argentée, deux races qui ne couvent pas, produisirent huit poules, dont sept se montrèrent couveuses obstinées. Le Rév. R. S. Dixon (Ornemental Poultry, 1848, p. 200) dit que des poules provenues d’un croisement entre des races Huppées noires et dorées étaient devenues d’excellentes couveuses. M. B. P. Brent en a également obtenu de très-bonnes d’un croisement de Haubourgs rayés et de races Huppées. Le Poultry Chronicle, vol. III, p. 13, mentionne une poule croisée d’un coq espagnol (race non couveuse) et d’une poule cochinchinoise (couveuse), comme ayant été un modèle de couveuse. Dans le Cottage Gardener, 1860, p. 388, on trouve, d’autre part, un cas exceptionnel relatif à une poule provenant d’un coq espagnol et d’une poule Huppée, qui ne fut pas couveuse.