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RETOUR.

Une autre forme plus commune, et même presque générale dans tous les produits de croisement, est le retour aux caractères propres de l’un ou l’autre des parents purs. En règle générale, les produits croisés de première génération sont presque intermédiaires à leurs parents ; mais ceux de la seconde génération et des suivantes font constamment, à un plus ou moins haut degré, retour à l’un de leurs ancêtres ou à tous deux. Plusieurs auteurs ont soutenu que les hybrides et les métis comprennent tous les caractères de leurs parents, non fondus ensemble, mais seulement mélangés en proportions diverses dans les différentes parties du corps, ou, selon l’expression de Naudin[1], qu’ils sont une mosaïque vivante, dans laquelle les éléments discordants sont assez complètement mélangés pour que l’œil ne puisse les y distinguer. Ceci doit être vrai dans un certain sens, comme lorsque nous voyons les éléments des deux espèces se séparer dans leur produit, et former des segments distincts, sur un même fruit ou fleur, par une sorte d’attraction ou d’affinité pour soi, séparation qui a lieu aussi bien dans la reproduction séminale que dans celle par bourgeons. Naudin croit, en outre, que la séparation des deux essences ou éléments spécifiques doit s’opérer dans les matériaux de reproduction mâles et femelles, et c’est ainsi qu’il explique la tendance presque universelle au retour qui se manifeste dans les générations successives d’hybrides ; car ce serait le résultat naturel de l’union du pollen et des ovules, chez lesquels les éléments de la même espèce se seraient séparés dans les deux en vertu de leur affinité pour soi. Si, d’autre part, le pollen renfermant les éléments d’une espèce venait à s’unir avec les ovules comprenant les éléments de l’autre espèce, l’état intermédiaire ou hybride serait conservé, et il n’y aurait pas de retour. Mais je crois qu’il serait plus correct de dire que les éléments des deux espèces parentes existent dans chaque hybride dans un double état, soit mélangés ensemble, soit complètement séparés. Dans le chapitre où je traiterai de l’hypothèse de la pangenèse, j’essayerai de démontrer comment cela est possible, et la signification qu’on peut donner à l’expression d’essence ou d’élément spécifique.

  1. O. C., t. I, p. 151.