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  effets des habitudes. 15

Une règle beaucoup plus importante et qui souffre, je crois, peu d’exceptions, c’est que, à quelque période de la vie qu’une particularité fasse d’abord son apparition, elle tend à réapparaître chez les descendants à un âge correspondant, quelquefois même un peu plus tôt. Dans bien des cas, il ne peut en être autrement ; en effet, les particularités héréditaires que présentent les cornes du gros bétail ne peuvent se manifester chez leurs descendants qu’à l’âge adulte ou à peu près ; les particularités que présentent les vers à soie n’apparaissent aussi qu’à l’âge correspondant où le ver existe sous la forme de chenille ou de cocon. Mais les maladies héréditaires et quelques autres faits me portent à croire que cette règle est susceptible d’une plus grande extension ; en effet, bien qu’il n’y ait pas de raison apparente pour qu’une particularité réapparaisse à un âge déterminé, elle tend cependant à se représenter chez le descendant au même âge que chez l’ancêtre. Cette règle me parait avoir une haute importance pour expliquer les lois de l’embryologie. Ces remarques ne s’appliquent naturellement qu’à la première apparition de la particularité, et non pas à la cause primaire qui peut avoir agi sur des ovules ou sur l’élément mâle ; ainsi, chez le descendant d’une vache désarmée et d’un taureau à longues cornes, le développement des cornes, bien que ne se manifestant que très tard, est évidemment dû à l’influence de l’élément mâle.

Puisque j’ai fait allusion au retour vers les caractères primitifs, je puis m’occuper ici d’une observation faite souvent par les naturalistes, c’est-à-dire que nos variétés domestiques, en retournant à la vie sauvage, reprennent graduellement, mais invariablement, les caractères du type originel. On a conclu de ce fait qu’on ne peut tirer de l’étude des races domestiques aucune déduction applicable à la connaissance des espèces sauvages. J’ai en vain cherché à découvrir sur quels faits décisifs on a pu appuyer cette assertion si fréquemment et si hardiment renouvelée ; il serait très difficile en effet, d’en prouver l’exactitude, car nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper, que la plupart de nos variétés domestiques les plus fortement prononcées ne pourraient pas vivre à l’état sauvage. Dans bien des cas, nous ne savons même pas quelle est leur souche primitive ; il nous est donc presque impossible de dire si le