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  Du laps de temps écoulé. 357


Du laps de temps écoulé, déduit de l’appréciation de la rapidité des dépôts et de l’étendue des dénudations.

Outre que nous ne trouvons pas les restes fossiles de ces innombrables chaînons intermédiaires, on peut objecter que, chacun des changements ayant dû se produire très lentement, le temps doit avoir manqué pour accomplir d’aussi grandes modifications organiques. Il me serait difficile de rappeler au lecteur qui n’est pas familier avec la géologie les faits au moyen desquels on arrive à se faire une vague et faible idée de l’immensité de la durée des âges écoulés. Quiconque peut lire le grand ouvrage de sir Charles Lyell sur les principes de la Géologie, auquel les historiens futurs attribueront à juste titre une révolution dans les sciences naturelles, sans reconnaître la prodigieuse durée des périodes écoulées, peut fermer ici ce volume. Ce n’est pas qu’il suffise d’étudier les Principes de la Géologie, de lire les traités spéciaux des divers auteurs sur telle ou telle formation, et de tenir compte des essais qu’ils font pour donner une idée insuffisante des durées de chaque formation ou même de chaque couche ; c’est en étudiant les forces qui sont entrées en jeu que nous pouvons le mieux nous faire une idée des temps écoulés, c’est en nous rendant compte de l’étendue de la surface terrestre qui a été dénudée et de l’épaisseur des sédiments déposés que nous arrivons à nous faire une vague idée de la durée des périodes passées. Ainsi que Lyell l’a très justement fait remarquer, l’étendue et l’épaisseur de nos couches de sédiments sont le résultat et donnent la mesure de la dénudation que la croûte terrestre a éprouvée ailleurs. Il faut donc examiner par soi-même ces énormes entassements de couches superposées, étudier les petits ruisseaux charriant de la boue, contempler les vagues rongeant les antiques falaises, pour se faire quelque notion de la durée des périodes écoulées, dont les monuments nous environnent de toutes parts.

Il faut surtout errer le long des côtes formées de roches modérément dures, et constater les progrès de leur désagrégation. Dans la plupart des cas, le flux n’atteint les rochers que deux fois