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centimètres chez le mâle, et vingt centimètres seulement chez la femelle ; enfin, chez le faisan Reeve, elle atteint quelquefois lm,80 chez le mâle, et quarante centimètres chez la femelle. Ainsi, chez ces différentes espèces, la queue de la femelle varie beaucoup en longueur, indépendamment de celle du mâle ; or, il me semble que ces différences peuvent s’expliquer, avec beaucoup plus de probabilité, par les lois de l’hérédité, c’est-à-dire par le fait que, dès l’origine, les variations successives ont été plus ou moins étroitement limitées dans leur transmission au sexe mâle, que par l’action de la sélection naturelle, qui serait intervenue parce qu’une longue queue aurait été plus ou moins nuisible aux femelles des diverses espèces.


Nous pouvons maintenant aborder l’examen des arguments de M. Wallace relativement à la coloration sexuelle des oiseaux. M. Wallace croit que les brillantes couleurs des mâles, originellement acquises grâce à l’intervention de la sélection sexuelle, se seraient transmises dans tous ou dans presque tous les cas aux femelles, si la sélection naturelle n’était intervenue pour s’opposer à cette transmission. Je dois rappeler au lecteur que nous avons déjà signalé divers faits contraires à cette hypothèse, en étudiant les reptiles, les amphibies, les poissons et les lépidoptères. M. Wallace fait reposer sa théorie principalement, mais non pas exclusivement, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, sur le fait suivant[1] : lorsque les deux sexes affectent des couleurs très-vives et très-voyantes, le nid est conformé de façon à dissimuler l’oiseau pendant l’incubation ; au contraire, lorsqu’il existe un contraste marqué entre les mâles et les femelles, c’est-à-dire que le mâle est brillant et que la femelle est de couleur terne, le nid est ouvert et permet de voir la couveuse. Cette coïncidence confirme certainement, dans une certaine mesure, l’hypothèse en vertu de laquelle les femelles qui couvent à découvert ont été spécialement modifiées en vue de leur sécurité. Mais nous allons voir tout à l’heure qu’on peut invoquer une autre explication beaucoup plus probable, c’est-à-dire que les femelles voyantes ont acquis l’instinct de construire des nids à dôme beaucoup plus souvent que les femelles affectant des teintes sombres. M. Wallace admet que, comme on pouvait s’y attendre, ces deux règles souffrent quelques exceptions ; mais ces exceptions sont-elles assez nombreuses pour infirmer sérieusement les règles ? Telle est la question.

  1. Journal of Travel, vol. I, 1868, p. 78.